La première Plateforme des peuples s’est tenue à Vienne

Solidarité • Du 14 au 16 février 2025 s’est déroulée la première Peoples’ Platform en Europe. Sous le thème de Reclaim the Initiative (Resaisir l’Initiative), la conférence se voulait une plateforme réunissant plusieurs organisations et mouvements actifs sur le continent européen. (Par F.D.)

Vue de la conférence (People's Platerform)

Ces organisations représentaient majoritairement les différents peuples européens et leurs régions ainsi que multiples groupes linguistiques. Des délégations colombiennes et kurdes étaient aussi présentes à la plateforme ce qui a permis d’enrichir certains échanges à travers des expériences au-delà le continent européen. De plus, des représentations de Bâle, Lausanne ainsi que le Cetim ont activement pris part aux discussions. Pendant trois jours, les différentes délégations ont travaillé ensemble pour essayer d’arriver à une conclusion et une feuille de route au bout du troisième jour dans des temps difficiles non seulement en Europe mais à l’international alors que nous observons devant nos yeux un génocide, un écocide, ainsi que des guerres et des injustices incontestées et qui se multiplient.

Huit thématiques

Les trois jours de conférence se sont notamment articulés autour de huit thèmes qui ont constitué des groupes de travail durant les deux premiers jours de la conférence: guerre et paix, antifascisme, résistance écologique, le confédéralisme démocratique des femmes, jeunesse(s) et résistance(s), autonomie et auto-suffisance(s), organisation et activisme, contrer les politiques génocidaires et les médias démocratiques.

Le lancement de la conférence a été marqué par deux performances culturelles et quatre interventions. La première de William I. Robinson a souligné les inégalités flagrantes qui existent aujourd’hui ainsi que les méthodes employées par «la dictature d’une classe corporatiste trans-nationale». Celle-ci se permet ainsi de juger quelles vies sont nécessaires, inutiles, ou à conserver, justifiant par le profit des politiques génocidaires, mégaprojets d’incarcération et de prisons, etc. et renforçant des géographies de contrôle, et de mort.
Pour sa part, Silvia Federici a souligné que le moment que nous vivons est extraordinaire. Soulignant que les racines du capitalisme sont génocidaires, racistes et violentes en inscrivant ce que nous vivons aujourd’hui dans une continuité historique remontant aux années 1970 en guise d’analyse de la nouvelle phase de capitalisme patriarcal.

John Holloway pour sa part a tenté une définition d’un désespoir synonyme de résistance et de combat, appelant à une organisation de celui-ci ainsi que de la rage qui traverse divers mouvements, bref un appel à s’organiser.
Enfin, Mireille Fanon Mendès-France a souligné l’importance d’inscrire la généalogie du capitalisme dans les colonialismes, la négrophobie, en réclamant des réparations pour les peuples qui ont été réduits en esclavage et dépossédés. Elle a aussi appelé à sortir de la doctrine de la découverte dans laquelle le monde se trouve encore ainsi que la logique de l’économie de plantation, toutes inscrites dans des pratiques génocidaires, tout en invitant à repenser Bandung (1955) aujourd’hui.

Le Parti du Travail a participé à la plateforme et les délégué.e.s ont activement pris part aux discussions du groupe de travail sur les politiques génocidaires, les manières d’y résister, et notamment à l’heure actuelle où la politique sioniste colonisatrice continue son génocide à l’encontre du peuple palestinien et la déstabilisation des peuples du Moyen-Orient. Les discussions ont reposé notamment sur les raisons des génocides, les reliant ainsi aux politiques coloniales de peuplement ou non, à l’émergence de l’état-nation et par extension au développement du capitalisme.

Les thèmes de l’industrialisme, l’expansionnisme, l’extractionisme et ce qui en découlent ont été abordés ainsi qu’identifier différentes méthodes de s’y opposer ou essayer de le faire. De plus, les différentes formes qui découlent des pratiques génocidaires comme l’écocide, l’urbicide, etc. ont aussi été au centre des échanges qui mettaient en lumière les différentes expériences des différents peuples sur le continent et au-delà.

Vue d’un atelier du Forum. (People’s Plateform)

 

L’intervention de Fanon Mendès-France à l’ouverture de la conférence retrouvait ainsi son sens dans une généalogie des pratiques génocidaires au-delà de ses définitions eurocentrées et coloniales.

Unité nécessaire

En reprenant les discussions au niveau local dans les différentes régions, et structures, aujourd’hui plus que jamais, le but est d’apprendre des luttes des uns des autres dans le but de consolider les structures autonomes, l’auto-suffisance, l’auto-défense et l’antifascisme. Reprenant le communiqué de presse de la plateforme, «notre survie n’est possible que par la défaite du capitalisme et la construction d’une vie différente et d’un monde différent. Les conclusions que nous tirons en observant la situation actuelle montrent très clairement que nous devons nous unir et devenir une force organisée dans les plus brefs délais.»

Ainsi, le but principal fixé à la fin de ces trois jours fut la mise en place de plateformes locales dans les différents états-nations, territoires, etc. rassemblant les différentes organisations et mouvements. Le but de construire des structures d’oppositions au fascisme montant à travers l’éducation localement et internationalement, le renforcement des moyens d’auto-défense et d’opposition collectifs et la solidarité, tous renforcés par «nos différences». (1)

L’importance d’apprendre et de s’enrichir les uns les autres à travers nos différentes expériences est aujourd’hui une urgence et la construction d’alternatives dans le long terme une nécessité. Dans cette apprentissage les mouvements féministes de libération des femmes et des genres offrent pour reprendre les conclusions de la conférence sont «une force primaire et une avant-garde dans la construction de la modernité démocratique. Aux côtés du combat de la jeunesse pour son droit à un avenir, le mouvement des femmes est la boussole fondamentale de notre lutte.»

Dans cette veine, le Parti du Travail continue de participer à la discussion lancée par la plateforme dans une période tumultueuse en Suisse, et dans le monde. En attendant la suite des discussions, les thématiques de la plateforme et son communiqué de presse sont disponibles sur le site web de la People’s Platform. (2)

La question n’est pas de savoir quelle Europe et quel monde nous voulons ou de savoir si elle existe, mais de savoir si l’organiser est possible. C’est sur cette affirmation que les trois jours se terminèrent.

(1) https://peoplesplatform.net/press-release/vienna-conference/
(2) ibidem