Une politique d’asile sans asile

Suisse • Durant la session d'été, le Parlement se penche sur plusieurs projets relatifs à l'asile. Avec un projet politique: les droits des personnes en fuite doivent être restreints, leurs perspectives de séjour plus précaires et le droit d'asile progressivement vidé de sa substance. (Par Laura Maiorano, paru dans Vorwaerts.ch)

(Haeferl)

Le langage politique dans le contexte de la migration a atteint un nouveau point bas. Alors que l’UDC qualifie en bloc les demandeurs d’asile de «parasites», d’autres partis bourgeois adoptent de plus en plus une rhétorique similaire. L’initiative dite «Pas de Suisse à 10 millions» et les fausses solutions symboliques contre la criminalité sont l’expression de cette évolution. Dans le même temps, le Parlement se penche sur la réforme du système européen commun d’asile (PEMA) – avec pour objectif de réguler encore plus fortement la migration. Mais les débats se transforment de plus en plus en une plateforme pour la propagande populiste, tandis que les préoccupations relatives aux droits de l’homme sont reléguées au second plan.

Déshumanisation systématique

La motion du conseiller aux Etats PLR Thierry Burkart, qui vise les personnes admises à titre provisoire – plus précisément celles qui ont obtenu ce statut pour des raisons médicales – en est un exemple. Bien qu’il s’agisse d’un petit groupe – environ 100 personnes par an – Burkart demande une réévaluation de leur cas dans le but de leur retirer le statut de protection. Parallèlement, il souhaite que les personnes admises à titre provisoire ne soient en principe plus autorisées à travailler. Cela empêcherait l’intégration et cimenterait une dépendance existentielle vis-à-vis de l’Etat social. Celui qui n’a pas le droit de travailler ne peut pas se construire une autonomie, planifier son avenir, construire sa vie. Le message est clair: les personnes admises à titre provisoire doivent certes pouvoir rester, mais à des conditions qui rendent leur séjour de facto inacceptable.

Une autre intervention du Conseil national renforce cette orientation. Elle demande qu’à l’avenir, les personnes avec un permis F n’aient plus accès à une procédure d’asile ordinaire – même si la situation dans le pays d’origine se détériore. Cela va à l’encontre de la pratique actuelle qui consiste à réévaluer à tout moment les besoins de protection individuels. Si cette proposition est mise en œuvre, cela signifie que celui qui est aujourd’hui considéré comme admis provisoirement n’a plus aucune chance réaliste d’obtenir un séjour stable. Le statut de protection est dévalorisé – et avec lui la possibilité de se protéger juridiquement ou d’arriver dans la société. Ici aussi, on constate que l’insécurité est utilisée de manière ciblée comme moyen de gestion politique.

Un pacte contre les personnes en quête de protection

Cette logique ne s’arrête pas à la frontière nationale. La Suisse participe activement au nouveau pacte européen sur l’asile et la migration, qui doit réorganiser le système de Dublin. Mais au lieu de renforcer les normes en matière de droits de l’homme, le pacte institutionnalise de nouvelles restrictions: Procédures rapides avec une protection juridique réduite, délais prolongés pour les transferts, délocalisation des procédures d’asile dans les zones frontalières – y compris pour les enfants. La Suisse reprend ces directives presque sans réserve. Alors que d’autres Etats négocient des exceptions, le Conseil fédéral se dit prêt à les mettre en œuvre. Au niveau international également, la Suisse se soumet de plus en plus à une logique restrictive qui mise sur le cloisonnement plutôt que sur l’accueil.

Ce qui relie ces différentes évolutions, ce n’est pas seulement leur groupe cible – les personnes au statut de séjour incertain – mais aussi la stratégie politique qui les sous-tend. Les droits ne sont pas supprimés frontalement, mais insidieusement dévalorisés. La protection est relativisée, les procédures sont raccourcies, les perspectives sont systématiquement rendues impossibles. C’est ainsi que naît un système de précarité permanente: celui qui reste, reste sur appel. Celui qui veut travailler n’en a pas le droit. Celui qui pourrait porter plainte n’obtient pas de procédure. Et celui qui est intégré peut néanmoins sortir du système à tout moment.

Un choix politique

Cette politique est rarement nommée ouvertement pour ce qu’elle est: une stratégie de privation de droits. Elle ne répond pas à une logique humanitaire ou d’intégration, mais à une politique de pouvoir. Celui qui définit la migration comme un risque peut faire passer des restrictions pour des mesures de protection. Et si l’on présente les personnes en quête de protection comme une charge, on crée la marge de manœuvre nécessaire pour les exclure systématiquement. Cela a des conséquences – non seulement pour les personnes concernées, mais aussi pour l’Etat de droit dans son ensemble. Car ce qui est vendu aujourd’hui comme «efficacité» dans le domaine de l’asile est en réalité l’affaiblissement de principes fondamentaux: l’examen individuel, la participation sociale, l’égalité de traitement juridique.

Dans cette dynamique politique, l’abus n’est pas la règle, mais l’insinuation d’abus est l’outil. Il ne s’agit pas de cas individuels, mais de la normalisation institutionnelle des exceptions. Et il s’agit notamment de générer un contrôle politique par le biais de la précarité juridique – sur les mouvements, les droits et, en fin de compte, la vie des personnes ayant fui leur pays.