Pour des médias populaires et révolutionnaires

Médias • Thierry Deronne est un réalisateur belge installé depuis une trentaine d’années au Venezuela, où il a fondé une école populaire de cinéma. Nous l’avons rencontré lors de sa tournée suisse pour la sortie de son dernier film « Nostalgiques du Futur ». (Par Samuel Golly)

Thierry Deronne. DR

Dans les années 1980, il se forme à l’Institut de hautes études des communications sociales de Bruxelles. « Il régnait une certaine idéologie révolutionnaire », raconte Thierry Deronne. Il découvre alors une vision de la technique. « Il n’y a que d’une technique qu’on peut déduire une idéologie, voilà l’idée d’Althusser. C’est le dispositif qui traduit et exprime l’idéologie d’un média. Il ne peut pas être de gauche simplement grâce aux idées qu’il promeut, son fonctionnement, sa technique reflètent tout autant son idéologie ». Après ses études, il part au Nicaragua avec sa caméra pour accompagner une grande réforme agraire. « Les paysans du Nord ne connaissaient pas la vie de ceux du Sud. Mes images connectaient ces deux réalités pour leur donner les moyens de prendre conscience de leur place dans la structure de domination. » Après la défaite des Sandinistes aux élections de 1990, Thierry rentre en Belgique. Il entretient toutefois une relation épistolaire avec des camarades vénézuéliennes rencontrées au Nicaragua. « En rentrant, elles ont voulu poursuivre notre travail. En 1994, je décide de les rejoindre. »

En 1995, il fonde l’Ecole populaire de cinéma, de télévision et de théâtre, pour « former des cinéastes capables de se battre avec l’hégémonie ». Les formations sont dispensées à travers le pays, mais aussi à l’étranger. Au total c’est un peu plus de 6’000 étudiants et étudiantes qui sont passés par l’école. Aujourd’hui, avec le développement des communes au Venezuela, les médias communautaires offrent une occasion de diffuser des modèles d’organisation et de créer un réseau d’inspiration.

Au bagage technique, s’ajoute un enseignement historique. « Pour prendre sa place dans l’histoire des médias populaires, il faut connaître les inventions des révolutionnaires. Notamment Vertov et Medvedkine avec leur Ciné-train qui documentaient chaque ville pour la faire découvrir au prochain arrêt. » Avec le cinéma et la télévision, l’Ecole s’intéresse aussi au théâtre. « Le pays n’a pas de grande tradition de théâtre révolutionnaire. Or, c’est un média parfait pour inclure le spectateur dans l’œuvre, et le transformer en acteur du récit. »

Idées pour un média populaire en Suisse

Pour pouvoir créer un vrai média populaire, il faut selon le cinéaste « marier formation et organisation ». « Faire un blog personnel alternatif ne sert pas à grand-chose, il n’y a pas d’effet d’organisation et le tout est soumis à la bonne volonté d’un hébergeur de site. » Il conseille plutôt d’utiliser le thème de la création d’un média collectif comme un outil d’organisation. « Plus le groupe se forme, plus il peut traiter de sujets. La clé, c’est de donner la parole à la population, de faire de son média un moyen pour rencontrer les gens, pour exister dans la population. »