Les Black Keys du blues? Voilà une définition qui pourrait parfaitement convenir à Left Lane Cruiser, un groupe de garage-blues originaire de Fort Wayne dans l’Indiana. Emmené par «Joe» Evans IV à la slide guitare et au chant et Brenn «Sausage Paw» Beck (remplacé un temps par Peter Dio) à la batterie et aux chœurs, le duo étasunien, qui sera présent aux Festival Blues Rules de Crissier ce 8 juin, emprunte à toute berzingue les chemins de différents courants musicaux (blues des origines, country du Mississippi, punk originel de la Motor city de Detroit: Stooges, MC5). Puis franchit plein gaz les ornières, en nous promettant de beaux dérapages sur route.
Parmi les autres références au compteur, certains citent encore les pères fondateurs, Elmore James, R.L Burnside ou T-Model Ford. On pourrait y ajouter Endless Boogie et leur blues minimaliste et obsédant, voire le Nick Cave abrasif de The first born is dead dans la manière de revisiter leurs classiques, en les survoltant.
Râpeux, teigneux et survitaminé, le combo ne lésine pas sur les riffs pétaradants et graisseux au service d’une mécanique parfaitement carénée et d’un moteur gonflé en puissance tournant à plein régime. Foin de rodage et de ralentisseurs, la musique du duo allonge les kilomètres d’un blues électrique hanté, avide de grands espaces, sans temps morts ni pauses, potentiomètre dans le rouge. Ça passe ou ça casse! Rythmique pied au plancher, la musique avance à coups de guitares distordues et fuzz saturées pour un blues brut et rude, alors que la voix d’Evans, émergeant de la poussière de la route et tamisée au double bourbon, trace la voie, tout en astringence et rugosité. La voiture folle hurle, gonfle des turbines à air compressé, avec des brusques coups d’accélérateur ou des décélérations traîtres.
Depuis leur premier album Gettin’ Down On It en 2006, en passant par Bring Yo’ Ass To The Table (2008) jusqu’au dernier en date, Shake and Bake (2019), la recette est unique et le groupe impose sa musique primitive et de transe électrique, en roulements kilométrés. Sur Lost my mind (album Junkyard Speed Ball), la rythmique a tout de celle d’un train crachoteux et cahoteux, de celui qui emmenait de ville en ville les hobos (travailleurs sans domicile fixe), ces oubliés du rêve américain qu’on retrouve à l’occasion de l’évocation de figures comme le mineur de fond (Black lung ou Hard working man). Au final, la musique boostée aux amphétamines de Left Lane Cruiser s’offre comme un cinémascope, lorgnant quelques fois sur les étirements telluriques du collectif The Desert Sessions (lancées par Josh Homme de Queens of the Stone Age) dans leur volonté d’étirer l’espace en le sur-saturant de leur sauvagerie maîtrisée (de peu).
Info sur Festival de Crissier, https://www.blues-rules.com/
Infos complémentaire sur https://www.metalorgie.com/groupe/Left-Lane-Cruiser
A voir: https://vimeo.com/53323276