Netanyahou sous le feu de la Cour pénale internationale

International • Le procureur de la Cour pénale internationale, Karim Khan, a pris une décision historique en demandant aux juges un mandat d’arrêt contre le chef du gouvernement israélien pour crimes contre l’humanité. Il vise aussi le Hamas. (Par Pierre Barbancey, paru dans L'Humanité, adapté par la rédaction)

L’annonce du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a fait l’effet d’une bombe : Karim Khan a demandé, ce 20 mai, que soit émis contre le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, son ministre de la Défense, Yoav Gallant, ainsi que trois dirigeants du Hamas – Yahya Sinouar, le chef du mouvement dans la bande de Gaza, Ismaël Haniyeh, le principal responsable politique, et Mohammed Deif, à la tête des brigades al-Qassam, la branche armée de l’organisation islamiste – un mandat d’arrêt international.

Effet d’une bombe car c’est la première fois que des responsables israéliens sont nommément mis en cause par la justice internationale. Karim Khan a motivé sa décision en invoquant des crimes tels que « le fait d’affamer délibérément des civils », pointant des faits d’« homicide intentionnel » et d’« extermination et/ou de meurtre ». Dans un communiqué, le procureur de la Cour, qui siège à La Haye, a précisé : « Nous affirmons que les crimes contre l’humanité visés dans les requêtes s’inscrivaient dans le prolongement d’une attaque généralisée et systématique dirigée contre la population civile palestinienne. D’après nos constatations, certains de ces crimes continuent d’être commis. »

Joe Biden juge « scandaleuse » la décision de la CPI

Benyamin Netanyahou a évidemment reçu le soutien de Joe Biden, qui estime que « la demande du procureur de la CPI de mandats d’arrêt contre des dirigeants israéliens est scandaleuse ». Ofer Cassif, député communiste israélien, a réagi pour l’Humanité à la décision du procureur Karim Khan : « La décision de la CPI ne nous a pas surpris : le nombre horrible de morts, la destruction et la famine à Gaza constituent clairement des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Je salue la CPI pour sa décision équitable. Aucun gouvernement n’est au-dessus de la moralité et du droit international, où qu’on soit. »

Côté palestinien, Moustafa Barghouti, secrétaire général de l’Initiative nationale palestinienne, s’est également félicité de cette décision. La considérant, nous a-t-il précisé, comme « un premier pas vers la condamnation des crimes de génocide commis par les dirigeants et l’armée d’Israël contre le peuple palestinien à Gaza ».
Qu’il y ait un lien ou non avec le terrible bilan de la guerre à Gaza, cette demande de mandats d’arrêt contre Netanyahou et son ministre de la Défense est à considérer dans le cadre du développement politique en cours en Israël, d’une part, et d’une volonté des Etats-Unis, d’autre part, de trouver une solution à une situation désastreuse pour l’image d’Israël. Dans le pays même, les manifestations se multiplient contre le premier ministre.

Le 19 mai, Benny Gantz, du cabinet de guerre, a lancé un ultimatum à Netanyahou lui enjoignant d’adopter un « plan d’action » stratégique sur l’après-guerre dans la bande de Gaza, faute de quoi il démissionnera le 8 juin. Mais, ne nous y trompons pas. Ce qui le préoccupe est moins le risque de génocide en cours à Gaza que les conditions de l’après-guerre. Ainsi, l’un des « objectifs » du plan qu’il défend est « la mise en place d’une administration américano-européano-arabo-palestinienne qui gérera les affaires civiles » à Gaza « et posera les fondations d’une alternative future qui ne soit ni le Hamas ni Mahmoud Abbas ».

La décision du procureur de la CPI constitue un formidable point d’appui pour exercer des pressions sur Tel-Aviv. La reconnaissance de l’Etat de Palestine s’avère, à cet égard, fondamentale. La Palestine a ratifié le statut de Rome qui a créé la CPI. Pas Israël, ni les Etats-Unis.