« Remettre le canton de Vaud sur les rails du progrès social »

Vaud • Le 20 mars prochain, les vaudois et vaudoises voteront pour renouveler leurs instances cantonales. Le POP vaudois présente Céline Misiego et Vincent Keller au Conseil d’État et sera présent dans cinq districts. Rencontre avec la direction du parti pour parler de cette campagne.

Idriss Samim, Luca Schalbetter et Anaïs Timofte livrent leur vision de la campagne. (DR)

Depuis trois ans, on trouve à la tête du POP vaudois une équipe dirigeante renouvelée, rajeunie et proche des préoccupations du monde du travail. Rencontre avec Anaïs Timofte, politologue et présidente du parti, Idriss Samim, ancien réfugié afghan, ingénieur EPFL et Luca Schalbetter, employé de commerce, tous deux vice-présidents.

Pour cette campagne, vous dites que le POP veut remettre le canton sur les rails du progrès social, qu’est-ce que cela veut dire concrètement ?

Idriss Samim : On veut remettre les questions économiques et sociales au centre du débat. Elles ont trop longtemps été mises de côté. Se positionner sur ces questions, ce n’est pas du populisme. On veut toucher toute la population du canton et pas uniquement celle des centres-villes, occuper les espaces politiques vides, ou occupés par la droite à tort.

Anaïs Timofte : Aux élections de 2017, le taux de participation était de 38%, il faut se demander pourquoi. On doit s’adresser aussi aux personnes qui se désintéressent de la politique parce qu’ils pensent que le vote ne change rien. Pour cela, on doit remettre sur la table la question du modèle de société. Ladite « gauche » et ladite « droite » sont deux mêmes tendances qui cautionnent le système en place. Nous on défend un projet de société qui est le dépassement du capitalisme et le gouvernement par et pour les classes travailleuses.

Luca Schalbetter : On se distingue aussi dans ce qu’on diffuse, on ne veut pas de slogans creux du type « sortons du capitalisme » ou qui parlent d’une « alternative » floue. On présente des projets qui changent la vie, qui s’adressent à toute la population. C’est pour cela qu’on a choisi d’axer notre campagne sur cinq projets concrets : la gratuité des transports publics, le taux unique d’imposition entre communes, le salaire minimum et une caisse maladie publique.

Mais ce discours centré sur les questions sociales et les classes populaires, n’est-ce pas oublier toute une partie des luttes actuelles ?

I.S. : On veut replacer le débat sur les questions de fond, et pas seulement parler des questions sociétales : questions de genre, débats sur le voile, les modes de vies, l’orientation sexuelle, etc. On n’élude pas ces dernières, mais on s’y adresse avec le prisme des rapports de classe.

L.S. : J’habite dans le nord-vaudois qui est une région désindustrialisée. La colère de certains se ressent clairement, mais lorsqu’on va à Sainte-Croix par exemple, et qu’on discute avec eux, leurs préoccupations c’est exactement ce qu’on défend : les salaires qui n’augmentent pas, les primes maladie qui augmentent, les transports et les loyers qui deviennent plus cher. Ça prouve que les questions sociales et économiques touchent tout le monde.

A.T. : En effet, sans cela on reste dans le principe « Il faut que tout change pour que rien ne change ». Même le PLR a un vernis progressiste sur les questions sociétales. Mais derrière, l’exploitation économique des travailleurs demeure, peu importe leur genre, leur origine ou les choix de mode de vie.

L.S. Il faut dire que l’espace politique est occupé soit par la bourgeoisie, soit par la petite bourgeoisie urbaine et intellectuelle qui s’intéressent surtout ces questions sociétales. Aussi parce qu’elles ne remettent pas en question leur situation de classe d’ailleurs.

A.T. En effet, ces cinquante dernières années il n’y a eu qu’une poignée d’ouvriers au Conseil national par exemple.

Vous défendez la hausse du pouvoir d’achat, n’est-ce pas renforcer la surconsommation qui met en péril le climat ?

I.S. Ce n’est pas exact. Avec le réchauffement climatique, les classes populaires paieront le prix fort des conséquences du train de vie des plus riches. Il n’y a pas de société de consommation, il y a des classes qui consomment plus que d’autres.

L.S. C’est pour cela qu’on propose l’écologie populaire contre l’écologie punitive du centre-gauche. Les bas salaires ne surconsomment pas, il faut tenir compte de cela pour lutter contre le réchauffement climatique et porter les bonnes mesures politiques, comme la gratuité des transports publics.

A.T. On défend également la souveraineté alimentaire. Pour relocaliser notre production, protéger l’environnement tout en rémunérant correctement les agriculteurs.

L.S. Le POP joue un rôle essentiel pour mettre en avant cette analyse de classe dans la politique vaudoise. Lorsqu’on préparait notre initiative en faveur de la gratuité des transports publics avec nos partenaires, on entendait de la part d’une partie des Verts, de la Grève du climat et d’Ensemble à Gauche le discours disant qu’il ne fallait pas augmenter la fréquentation des transports publics, mais lutter pour réduire les déplacements et faire de la décroissance. Pour moi c’est de l’écologie réactionnaire, tu laisses les riches se déplacer car ils en auront toujours les moyens, et tu prives les classes populaires de plus d’accès au transport. C’est symptomatique de l’embourgeoisement d’une certaine gauche urbaine, qui elle, a accès à tous les équipements publics, culturels, sportifs, etc. Une gauche qui a gentrifié les centres urbains, exilé les classes populaires en périphérie et veut maintenant les priver de déplacements.

I.S. Pour conclure, je pense que notre société est atomisée, la conscience collective a de la peine à se former. En face, il y a des partis bourgeois qui défendent la classe sociale aisée qu’ils représentent en politique. C’est pour cela que les classes travailleuses de notre canton ont besoin d’un parti « de classe », qui les défende. C’est ce parti que l’on veut être.

Entretien réalisé par Paris Kyritsis.