En Suisse, le capital l’emporte toujours plus sur le travail

Travail • En 2021, 82 milliards de francs sont entrés dans les poches des actionnaires. Au même moment, les bas salaires ont continué de stagner, quand ceux des grands patrons se sont accrus. C’est ce que nous apprend la dernière étude du syndicat Unia sur les écarts salariaux (1), portant sur les 43 plus grandes entreprises suisses.

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Unia nous apprend donc que les gros managers de Suisse ont continué à voir leurs salaires enfler sur l’exercice 2021. En parallèle, la stagnation des bas salaires a propulsé l’écart salarial, avec une moyenne de 1 à 141 pour les 43 plus grands groupes. Dans la moitié d’entre-eux, les salaires les plus bas n’atteignent même pas les 50’712 francs par année, sachant que le seuil suisse des bas salaires se situe à 53’320 francs. Dans le même temps, 42 milliards de francs ont été versés aux actionnaires sous forme de dividendes et 40 milliards sous forme de rachats d’actions. « Cette augmentation des inégalités est observable sur l’entier de l’économie suisse depuis 2016 déjà », nous dit Noémie Zurlinden, l’économiste qui a mené l’étude.

L’intérêt des actionnaires avant tout

D’après les chiffres de l’étude, certaines entreprises sont forcées de puiser dans leurs réserves, voire de contracter des dettes pour pouvoir satisfaire leurs actionnaires. « Des études dans plusieurs pays montrent que quand les intérêts des actionnaires à court terme sont si importants, ça se fait au détriment des salariés et de l’intérêt futur de l’entreprise. Tout cet argent pourrait être utilisé pour des investissements productifs », précise l’économiste. Des entreprises rentables se permettent même de licencier du personnel, malgré ces versements mirobolants à leurs actionnaires. C’est le cas d’UBS, de Roche ou encore de Novartis. Noémie Zurlinden s’offusque : « Le cas Novartis est assez choquant. L’année passée déjà, 400 personnes furent licenciées. Mais cette année, ils ont annoncé le licenciement de quelques milliers de personnes à l’international, dont 1’400 en Suisse… Alors que l’entreprise a beaucoup d’argent, suite au rachat d’actions par Roche, et a elle-même procédé à des rachats d’actions pour 15 milliards de francs ! »


Une augmentation des salaires, vite !

Le syndicat prône une augmentation générale des salaires pour atténuer les inégalités salariales et faire progresser les bas revenus. Noémie Zurlinden estime que le partenariat social pourrait régler la situation : « Le renchérissement du coût de la vie doit absolument être pris en compte. De plus, un rattrapage est nécessaire après des années de stagnation des salaires. Les négociations qui arrivent sont une opportunité pour combler l’écart. » Le PST-POP, quant à lui, estime qu’il convient d’interpeller directement le Conseil fédéral avec sa pétition pour le pouvoir d’achat2 revendiquant, entre autres, une indexation des salaires. Toujours est-il que l’inflation poursuit effectivement sa hausse en Suisse, atteignant les 3,4 % sur un an pour le mois de juillet. Tandis que l’ombre d’une augmentation exorbitante des primes maladies cet automne plane de manière angoissante sur nos porte-monnaies.

1 www.unia.ch/fileadmin/user_upload/Arbeitswelt-A-Z/Lohnschere/2022- %C3 %89tude-sur-les- %C3 %A9carts-salariaux.pdf
2 www.pst-pop.ch/petition-contre-la-vie-chere