Le Courrier affiche ses couleurs

Presse • Au vu d'une baisse de ses abonnés liée en partie aux nouvelles habitudes de lecture nées durant la période Covid, le journal romand «Le Courrier », celui qui révèle «l’essentiel autrement», lance une campagne d'abonnements.

Le Courrier organise le samedi 8 octobre une journée Portes ouvertes. DR

Se renouveler. Tel est le leitmotiv du Courier, quotidien différent et engagé aux fortes valeurs de solidarité. Après 29 années de séjour dans sa rédaction de la rue de la Truite à la jonction, le journal vient de déménager dans de nouveaux locaux appartenant aux TPG à quelques encablures de l’ancien site, avec vue imprenable sur l’Arve. «Nous sommes enthousiastes et motivés», souligne Florio Togni, président de la Nouvelle association du Courrier (NAC).

Remplaçante d’Eva Fernandez à direction de l’administration du journal, Kate Reidy annonce que le titre lancera prochainement une campagne d’abonnement en affiches et sur les trams pour augmenter le nombre de ses lecteurs et essaimera des capsules vidéos de promotion sur les réseaux sociaux. «Au mois de juin, nous sommes entrés dans la cote d’alerte, en constatant que nous avions un peu moins de 8000 abonnés, tous abonnements confondus. Cela est sans doute dû aux nouvelles habitudes de lecture pendant la période Covid, d’un rapport plus méfiant aux médias liées ax polémiques sur les vaccins anti-Covid, d’une baisse du pouvoir d’achat des lecteurs et de la concurrence accrue des gratuits», relève cette ancienne du festival Black Movie. «L’objectif est d’atteindre 10’000 abonnés pour nous offrir une marge de manoeuvre», assure-t-elle, rappelant que le journal est le seul quotidien imprimé à Genève sur le site de l’imprimerie Atar à Meyrin. «Avec nos 134 ans d’existence, nous faisons partie du patrimoine», ajoute-t-elle.

Déficit à combler

Selon les chiffres dévoilés, la situation financière du titre n’est pas au beau fixe. Le déficit structurel du journal avoisinerait les 300’000 francs (sur un budget de 3,8 à 4 millions). Et cela aurait pu être pire. «Durant la période Covid, nous avons eu aussi une perte de publicité d’environ 20%, que nous avons pu compenser en recourant aux RHT durant 3 mois. A cela s’est ajouté une aide provisoire de la Confédération pour la distribution du journal, à hauteur de 100’000 francs. Des publicités des cantons et communes genevoises et vaudoises nous ont aussi permis d’éviter le défaut de paiement», assure-t-elle.

A l’avenir, les responsables du journal soulèvent quelques pistes pour se remettre à flot. Pour eux, le principe d’une aide étatique directe n’est pas tabou. «Celle-ci est plus facile à gérer que des annonceurs privés et n’empiète pas sur la ligne éditoriale», commente Kate Reidy. Le journal veut aussi se «romandiser », en présentant de sujets transversaux pour acquérir un nouveau lectorat hors canton de Genève. Actuellement, 57 % des abonnés se trouvent dans ce dernier, 27 % dans le canton de Vaud et 6% à Neuchâtel. Pêle-mêle, l’appel à des pôles de mécénat de type Aventinus (fondation privée d’aide à la presse, supervisée par l’ancien Conseiller d’État François Longchamp), le lancement d’une nouvelle souscription, de même que l’instauration d’un nouvel outil de gestion pour réduire les coûts sont évoqués afin de sortir de la gonfle. Pour l’heure, les abonnements web ne compensent pas assez ceux sur papier

Ennuis judiciaires

Rédacteur en chef du journal, Philippe Bach tient à rappeler que le journal a dû batailler ferme suite à la plainte pour diffamation et calomnie lancée par le mécène Jean-Claude Gandur, suite à un article qui portait sur ses affaires financières. «Nous avons gagné au pénal, mais perdu au civil. Aujourd’hui, nous avons choisi d’aller devant la Cour européenne de justice à Strasbourg pour qu’elle reconnaisse qu’il y avait un intérêt public dans une affaire, qui allait mettre en place un partenariat public-privé dans une institution genevoise» précise-t-il. Rappelons que Jean-Claude Gandur et sa fondation pour l’art proposaient un financement pour la rénovation du Musée d’art et d’histoire en échange de la présentation de ses collections privées dans lieu pendant 99 ans. Projet refusé en vote populaire en 2016.

Pour Philippe Bach, la presse suisse est de plus en plus victime de procédures «baillons», rappelant que les démarches juridiques avaient coûté près de 50’000 francs au journal. «Récemment, un banquier genevois lié à Raiffeisen a encore déposé des mesures provisionnelles contre un article que nous n’avons pu faire paraître, alors que la NZZ zurichoise, qui a payé contre ces mesures, a pu révéler son patronyme», explique-t-il. «Défendre un journalisme d’intérêt général, garantir une information libérée du profit, soutenir un média engagé, c’est maintenant!», apostrophe le Manifeste que vient de publier le journal, qui veut continuer le combat. Une nécessité en ces temps de «fatigue informationnelle», liée à l’hyperconnection.

JDr

Journées portes ouvertes

Pour faire découvrir sa nouvelle antre sur deux étages, Le Courrier organise le samedi 8 octobre une journée Portes ouvertes, dès 14 heures. Au menu échange avec la rédaction, puis partie festive dès 19 heures, avec des concerts sous les halles des jardins de la Jonction, suivis d’une soirée DJs à la fonderie Kugler en face.

Infos sur www.lecourrier.ch