Les hausses de primes d’un système en bout de course

Assurance maladie • On savait que cette annonce serait douloureuse: le Conseil fédéral a fait savoir que les primes d’assurance maladie pour l’année 2023 afficheraient une hausse moyenne de 6,6 % par rapport à 2022. De quoi peser encore plus sur le budget des ménages, déjà grevé par les prix des produits, de l’énergie et du logement.

La hausse dépasse 9% pour certains cantons (Crédit : Adobe Stock)

«Cette hausse est difficile, désagréable, il n’y a pas d’autres mots », a déclaré Alain Berset pendant la conférence de presse lors de laquelle il annonça des augmentations de primes comprises entre 3,6 % et 9,5 % selon les cantons ; les Neuchâtelois subissant la plus forte claque du pays, même si c’est à Genève que les primes resteront les plus élevées. Toujours est-il qu’il y a un an encore, ce même ministre niait en bloc la possibilité qu’une hausse massive de l’assurance-maladie puisse arriver et qu’il fut de fait par la suite incapable de produire le rapport de forces nécessaire dans ses négociations avec les assureurs pour l’éviter. Aujourd’hui, c’est notamment sur un effet de rattrapage des interventions médicales reportées de la période Covid que l’OFSP met la faute pour expliquer ces augmentations, ce qui aurait fait croître les coûts de la santé de 4,5 % en 2021, sans que les primes 2022 ne soient suffisamment adaptées. Le conseiller fédéral social-démocrate ajoute que la mauvaise santé des marchés boursiers pourrait amoindrir les réserves des caisses maladies de 12 à 9,5 milliards de francs.

Une vraie crise sociale

Ces annonces arrivent dans un contexte déjà lourd pour les ménages de Suisse : une inflation à plus de 3 %, une stagnation des salaires inadmissible en comparaison avec les profits actionnariaux, une hausse des prix de l’énergie, des charges locatives proches de l’indécence. Pour Berset, la fixation du prix de l’assurance « n’est pas un choix politique ». On voit rouge . Faut-il lui rappeler qu’en Suisse, les assurés prennent en charge 65 % des coûts de la santé, alors que nos voisins européens, eux, paient 10 à 30 % selon les pays ? Faut-il encore rappeler que le système actuel fait que les salaires modestes paient des primes bien plus élevées par rapport à leur revenu que les fortunés ? La solution qui consiste à soutenir par des subsides les ménages en incapacité de payer est certes une manière de redistribuer l’impôt de manière équitable, et l’augmentation de ces aides montre que l’Etat a conscience de la paupérisation induite par la hausse sans fin des primes. Mais au fond, cette méthode permet surtout de maintenir en vie un système de santé de marché actuellement en bout de course. De facto, il ne s’agit ni plus ni moins que d’un subventionnement massif par l’ Etat de caisses privées aux pratiques souvent plus que douteuses.

Seul un changement du système en profondeur, par une caisse maladie unique, avec des primes fixées en fonction du revenu, serait à même de briser l’escroquerie montée de toutes pièces que les classes populaires subissent. Ces dernières sont trop souvent forcées de renoncer à des soins nécessaires à cause de la LAMal, ce système libéral qui révèle plus que jamais ses limites, qui ne couvre même pas certains soins indispensables comme les traitements dentaires, et qui octroie aux assureurs le droit de tenir des listes noires de celles et ceux qui sont trop pauvres pour payer ces coûts scandaleux.