Un projet de construction qui ne coule pas de source

Neuchâtel • Un plan immobilier suscite l’indignation d’un village de la commune de Rochefort dans le canton de Neuchâtel. Les opposants mettent en cause le ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement.

Le projet menacerait les réserves en eau de la commune. (Crédit : Jérémy Toma)

«La condition d’une bonne alimentation en eau potable devient de plus en plus importante. Il n’est pas exclu qu’ici où là dans le canton, par manque de sources d’eau ou de ressources, ou alors par des investissements financiers qui seraient trop importants, on renonce au développement urbain », assurait en 2019, sur les ondes de la RTS, Laurent Favre (PLR), ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement (DDTE). Pour ces mêmes raisons de pénurie d’eau, la commune d’Enges dans le canton prenait la décision temporaire d’interdire toute nouvelle construction sur son territoire.

Actuellement dans la commune de Rochefort, c’est le projet de construction d’un quartier d’immeubles avec un grand parking à l’emplacement même d’un milieu protégé comportant aussi des sources d’eau, historiquement connues et utilisées depuis des siècles, qui provoque un tollé villageois : 92 oppositions ont été déposées.

« Cet été, un arrêté municipal a interdit l’utilisation d’eau. La Commune a adopté une motion exigeant la sauvegarde des sources et veut que des études soient réalisées. Il est dès lors impensable qu’une atteinte puisse être portée à cette richesse patrimoniale », estiment les opposants. « Le projet a été approuvé en 2020 par le Département, alors que le délai de clôture du dossier courait jusqu’au 31 janvier 2021 », ajoutent-ils. Cette décision gouvernementale entérine des dérogations permises seulement sous certaines conditions par l’article 40 de la LConstr cantonale, dont la destruction d’un bosquet de 5’200 m², qui serait compensée. « Les dérogations de Laurent Favre ne tiennent aucun égard au fait que les conditions strictes pour leur octroi ne sont ni réalisées, ni réalisables ! », soulignent les contestataires. « Précédement, le Service de l’aménagement du territoire en charge des permis de construire (SAT) aurait averti que le promoteur ne remplissait pas les conditions d’octroi des dérogations », soulignent-ils.

Tout en présentant une expertise signalant à plusieurs reprises l’importance du terrain pour la biodiversité et la faune, le promoteur aurait, quant à lui, approché le Conseil communal (exécutif), en estimant « nécessaire de mettre un peu la pression » pour faire avancer son projet… « et la suite fut réjouissante ».

Un recours a donc été déposé. Dans celui-ci, de nombreux points sont contestés, « notamment le fait qu’une pesée des intérêts publics au maintien de la biodiversité par rapport à l’intérêt privé du tiers purement économique de construire n’a pas été respecté ». Le texte souligne aussi que la desserte en transports publics est absente et dénonce l’insuffisance de la route. « L’une des dérogations, par exemple, est délivrée à titre précaire, prévoyant un élargissement futur de la route. Mais problème : celui-ci n’est pas faisable faute de place, car si ces travaux étaient effectués, la construction devrait être détruite sur près de 80 mètres. Or, de telles dérogations ne peuvent porter dans la pratique que sur de petits abris de moins de 8 m2 ! », expliquent les opposants. Le recours relève aussi que les compensations écologiques ne sont pas suffisantes. « Les prairies maigres ne peuvent pas remplacer la végétation dense que forment les bosquets et les haies supprimés, puisqu’elles ne répondent pas aux mêmes besoins de la faune et de la flore ».

Contacté, le secrétariat du Département DDTE allègue qu’il ne peut donner aucune information concernant ce dossier ni le commenter, du fait que « des recours sont en cours d’instruction ». De même, le Conseil communal nous fait savoir que « dans le cadre d’une procédure administrative de demande de permis de construire, un exécutif n’a pas vocation à soutenir ou non un projet immobilier, mais bel et bien à appliquer la réglementation applicable, et ainsi agir dans le respect du droit ». Le dossier poursuit donc son cours. Qui de l’intérêt prépondérant de la collectivité ou de la volonté d’un promoteur l’emportera ?