Restaurer l’utopie par l’habitat communautaire

Cinéma • C’est un portrait croisé de personnages différents mais complémentaires, ayant en commun de n’avoir pas abandonné leurs idéaux, mais aussi capables de cohabiter sans chercher à éluder les difficultés et les obstacles. Nos Utopies communautaires est un appel généreux qui suscite l’espoir attendu d’un vivre-ensemble harmonieux.

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Pierre-Yves Borgeaud, le réalisateur de « Nos utopies collectives » est né après 1968. Il n’a pas cru à l’utopie d’une révolution mondiale porteuse de bonheur universel. Et donc n’a pas vécu les désillusions inhérentes à cet espoir déçu vécu douloureusement par de nombreux soixante-huitard.e.s. Jeune adulte, il évolue dans environnement hanté par le spectre du sida, marqué par l’individualisme idéologique et la surconsommation effrénée. Militant pour la transition sociale et écologique et l’égalité des genres, il a cependant constaté au fil des années, à l’instar de nombreux observateurs des mouvements sociaux, une frappante continuité entre les revendications des générations d’hier et de celles d’aujourd’hui. Les écologistes de la première heure manifestent aux côtés des plus jeunes pour la défense de l’environnement, devenue aujourd’hui sauvegarde de la planète. Les anciennes militantes pour l’égalité, pour l’avortement et contre le patriarcat scandent les slogans des nouvelles féministes et de la génération #MeToo.

Afin de faire la généalogie de ces idéaux partagés et explorer le sens de leur évolution, le cinéaste s’est focalisé avec pertinence sur le sujet de l’habitat : « Dans toute la Suisse, j’ai constaté aussi que nombre de ces projets d’habitations collectives ont été initiés par des personnes qui dans les années 70 contestaient les valeurs de la société capitaliste dominante. Ces retraités actifs s’impliquent aujourd’hui dans la vie de quartier, la permaculture, la décroissance, le troc ou encore dans les nouvelles coopératives d’habitation. J’ai découvert des projets et des modèles nouveaux, entre autres pour le troisième âge : les quartiers solidaires, les logements protégés, les coopératives intergénérationnelles où l’on parle d’espaces et de biens communs. Certains jeunes retraités se projettent ou se décident à vivre dans ce qui évoque un peu les communautés d’antan. Les choses sont en train de changer ».

Une proposition ambitieuse

Ayant effectué un retour à la terre dans les années 1970, le pasteur Pierre-André Pouly tente de s’installer dans un éco-village à Grandvaux (VD) avec son épouse Marlène. La Zurichoise Maya Schwan évoque ses souvenirs de la communauté AAO (Aktionsanalytische Organisation). Faisant exploser tous les tabous, son gourou fut finalement condamné pour viols et abus sur mineurs. Toujours anti conformiste, elle réside maintenant dans un immeuble destiné aux aînés. Quant à Hans Widmer, alias P.M., il a fondé il y a une vingtaine d’années la coopérative Kraftwerk 1 à Zurich, source d’inspiration pour tout le mouvement de l’habitat alternatif. Auteur de nombreux ouvrages, à la fois visionnaire et pragmatique, il livre son analyse et recadre dans le film à plusieurs reprises les termes d’un débat compliqué. Dans un manifeste captivant de vingt pages intitulé « Une proposition », évoqué à plusieurs reprises dans le film, Hans Widmer remarque à juste titre : « À l’heure actuelle, nos besoins primaires sont certes couverts, mais l’épanouissement, l’autodétermination et l’efficacité personnelle manquent toujours trop souvent au travail et au foyer. Dès lors, il convient de trouver de nouveaux modes de vie qui permettent aux personnes de tous âges de se sentir à l’abri et à leur place dans une communauté, mais aussi d’avoir un statut et une reconnaissance sociale assurés. Il faut pour cela penser de nouveaux cadres pour l’habitat et la consommation, et associer la responsabilité collective avec l’épanouissement personnel. Les nouveaux modes de vie ont besoin d’un large éventail de formes d’habitat pour les personnes seules, les familles et les communautés de tous types, en veillant à ce que chacun·e puisse en changer sans quitter son voisinage ».

En complément aux itinéraires des trois personnages principaux du film, la caméra de Pierre-Yves Borgeaux s’attarde sur les répétitions d’un spectacle consacré aux chants de lutte et d’utopie, qui rassemble jeunes choristes et anciens soixante-huitard.es sous la conduite du chef d’orchestre Dominique Tille. Ces scènes soulignent le pouvoir mobilisateur de la musique et le partage des idéaux qu’elle rend possible.

Nos utopies communautaires a le mérite d’évoquer les différents projets d’habitat et de vivre-ensemble explorés d’hier à aujourd’hui. Le film de Pierre-Yves Borgeaud rappelle l’importance et la pertinence des valeurs qui les sous-tendent. Enfin, le film ravive l’intérêt pour la recherche de nouveaux modèles économiques, sociaux et écologiques tout en suscitant l’espoir d’un renouveau. Autant de très bonnes raisons d’aller le voir.

Prochaines projections :

SÉANCES SPÉCIALES EN SUISSE ROMANDE

07.10 18:00 | ORBE Urba 1
11.10 20:00 | BEX Cinéma Grain d’sel
14.11 18:30 | AUBONNE Cinéma Rex

SÉANCES RÉGULIÈRES EN SUISSE ROMANDE

DELÉMONT Cinémont

FRIBOURG Cinéma Rex

GENÈVE Le nord-sud

LA CHAUX-DE-FONDS ABC

NEUCHÂTEL Cinepel

PULLY City Pully

SAINTE-CROIX  Cinéma Royal

VEVEY Cinéma Astor