Féministe un jour et toujours

Portrait • Du fait d’une réorganisation, le comité du journal a décidé de modifier sa chronique féministe et remercie Huguette Junod pour ses 10 ans de contribution.

Ecrivaine, journaliste, enseignante et à jamais féministe.DR

Rencontrer Huguette Junod, c’est d’emblée entrer dans le vif du sujet : « Quand j’étais petite, je ne comprenais pas qu’on dise que certains jeux, comme les billes ou le ballon, n’étaient pas pour les filles, ça me paraissait aberrant. J’ai l’impression que j’ai toujours été féministe, même inconsciemment ». Ensuite, il y a eu la lecture du Deuxième sexe de Simone de Beauvoir, la participation, dans les années 70, au Mouvement de libération des femmes (MLF), importé en Suisse par Rosangela Gramoni, et de grands jalons politiques, comme la votation de 1971 sur le droit de vote des femmes au niveau fédéral, la Grève des femmes du 14 juin 1981, comme celle de 2019.

Côté professionnel, sa carrière a commencé en tant que secrétaire, à l’Office de la jeunesse, puis, après son mariage, elle passe deux ans en Allemagne, à Mannheim. Au retour, elle entreprend des études de français et d’allemand à l’Université de Genève et se lance dans l’enseignement. « J’ai adoré enseigner et transmettre. »

Elle réalisera aussi un DEA 3e Cycle, en Etudes genre ; son travail de diplôme porte sur le sexisme des manuels scolaires utilisés à Genève au 20e siècle, et rédigera un guide méthodologique destiné au corps enseignant du post-obligatoire, Si les femmes nous étaient contées…, 700 pages en 7 documents, où elle dénonce notamment les injustices sexistes, comme le prix Nobel de médecine 1962 décerné à Watson et Crick, alors que c’est Rosalind Franklin, morte en 1958 à 38 ans, qui était à l’origine de cette découverte.

Passion du journalisme

Dès ses 13 ans, Huguette Junod est titillée par le journalisme. « Ma référence reste Nellie Bly (1864-1922). Personne n’en parle, mais c’est la première journaliste à avoir fait des enquêtes sociales, montré l’envers de la société. Elle a aussi fait le tour du monde en 72 jours », raconte-t-elle. Cette envie de journalisme se concrétise par des articles qu’elle écrit pour différents médias, et en 1985, elle est invitée à écrire une chronique féministe pour le Peuple valaisan, journal du PS cantonal, avec lequel elle collaborera jusqu’en 2013. Elle avoue n’avoir jamais été encartée dans un parti, mais fait bonne figure au syndicat des enseignants du secondaire. A cette date, elle commence à écrire une chronique féministe hebdomadaire pour Gauchebdo, toujours en phase avec l’actualité, incisive et documentée, suscitant parfois le débat et… sans aucune faute d’orthographe.

On ne saurait passer sous silence le travail d’écrivaine de notre consœur. « C’est ce dont je suis la plus fière », précise-t-elle, affichant 30 publications à son actif dans tous les genres : poésie, nouvelle, récit, théâtre, essai. Infatigable, l’idée lui prend de lancer une maison d’édition, les Editions des Sables. L’aventure commence en 1987 pour autoéditer un texte sien récompensé par la Société genevoise des écrivains, puis va rapidement s’élargir. « En 2012, j’ai publié 5 textes, dont un recueil de Vahé Godel. Ces dernières années, cela varie entre 15 et 21 publications annuelles. Je suis obligée de refuser beaucoup de manuscrits. Un de mes critères est que l’auteur-e soit de la Suisse romande », souligne-t-elle.

Autre aventure mémorable que celle consacrée au 300e anniversaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778). Un travail qu’elle a mené à bien entre 2008 et 2012, organisant différentes rencontres culturelles dans le cadre des Journées de l’APA (Association pour l’Autobiographie). N’en jetez plus. « Entre 2001 et 2006, j’ai fait un tour du monde par étapes, avec mon ex-compagnon », ajoute-t-elle, tout en expliquant qu’elle a suivi des cours d’espagnol, de grec moderne (elle retourne presque chaque année en Grèce) et d’anglais à l’Université. De la bien belle ouvrage.