Un géant de la photographie et une histoire d’amitié

Expo • La Fondation Gianadda propose une exposition des œuvres d’Henri Cartier-Bresson (1908-2004), l’un des plus grands photographes du 20e siècle.

© Fondation Henri Cartier-Bresson, Fondation Gianadda

Mais c’est aussi une histoire d’amitié entre lui, le peintre Sam Szafran et Léonard Gianadda. A la mort du premier, le second a légué au troisième les 225 tirages, la plupart dédicacés, reçus en cadeau du photographe. Un lien très fort s’est donc tissé entre les trois hommes.

Le visiteur appréciera la grande variété de cette exposition. On y sentira l’influence du mouvement surréaliste, dont Cartier-Bresson fut proche dans les années 1930, avec notamment le corps flou de l’artiste Leonor Fini nue dans une piscine. D’autres sujets sont plus graves, surtout au regard de ce que l’on sait aujourd’hui : ainsi ces vues du ghetto de Varsovie, avant sa liquidation par les nazis. Quant aux paysages, le photographe préférait les saisir dans la brume. Cartier-Bresson, lui-même issu d’une famille de la grande bourgeoisie, fut un temps un « compagnon de route » du Parti communiste français, et collabora au journal Ce Soir dirigé par Louis Aragon, ce qui le conduisit à des prises de vue que l’on peut rattacher au réalisme poétique, à l’instar par exemple des films de Jean Renoir ou René Clair.

En témoignent les célèbres photos de gamins parisiens des quartiers populaires (les « poulbots ») portant un pain. Cartier-Bresson fit aussi une série de portraits de célébrités de la littérature, des arts visuels ou du cinéma. Il réussit magnifiquement à cerner le caractère de ses sujets. Les plus belles à nos yeux sont celles consacrées à Henri Matisse devant une toile, avec une colombe (de la Paix) dans sa main, ou encore cette extraordinaire photo d’Alberto Giacometti marchant dans la même posture devant ses bronzes filiformes de personnages en mouvement. Sans oublier celles, touchantes, de l’artiste dans son village du Val Bregaglia aux Grisons, avec sa mère Annetta tant aimée.

Sur le plan strictement esthétique, on admirera l’art d’Henri Cartier-Bresson de « saisir l’instant » et le mouvement, ainsi que son goût des contrastes noir-blanc, ou entre deux éléments d’une même photo, comme celle des amoureux s’embrassant dans un cimetière, probablement un autre héritage des Surréalistes, qui aimaient les rencontres improbables.
Une salle consacrée aux peintures de Sam Szafran (1934-2019), et particulièrement à ses fameux escaliers presque kafkaïens, vient utilement compléter cette exposition. 

« Henri Cartier-Bresson et la Fondation Pierre Gianadda », Martigny. Expo prolongée jusqu’au 21 février 2023.