Il y a 48 ans… l’accord d’Alvor mettait fin à la domination portugaise en Angola

Afrique • De 1961 à 1975 s'est déroulé la guerre d'indépendance de l'Angola contre l'occupant colonial portugais. En 1975 étaient signés les accords d'Alvor au Portugal, reconaissant l’indépendance du pays et un gouvernement transitoire, mais une longue guerre civile va éclater, qui se terminera en 2002. (Par Frederico Issuzo, adapté par la rédaction)

Buste d'António Agostinho Neto, leader historique du MPLA. (António Jorge)

L’Angola a marqué, mardi 31 janvier 2023, le 48e anniversaire de l’inauguration de son premier gouvernement de transition, dont l’échec a conduit au début de la guerre civile peu après l’indépendance nationale. Le gouvernement de transition était issu d’un accord de paix, initialement prometteur, signé le 15 janvier 1975 dans le village portugais d’Alvor, en Algarve, entre le Portugal et les trois mouvements de libération nationale, à savoir le MPLA, d’obédience marxiste et l’UNITA le FNLA et le FNLA, avec la programmation d’élections générales pour octobre et l’indépendance le 11 novembre 1975. Ces deux derniers mouvements seront amplement soutenus par des États «conservateurs»: l’Afrique du Sud (guerre de la frontière sud-africaine), les États-Unis de Ronald Reagan ou de George H. W. Bush, ainsi que d’autres pays occidentaux (comme la France) ou africains (Félix Houphouët-Boigny de la Côte d’Ivoire ou Mobutu Sese Seko du Zaïre). La mission de ce gouvernement transitoire consistait à «préparer le terrain» et à jeter les bases de l’émergence d’un État postcolonial véritablement libre, démocratique et équilibré en Angola.

Sa composition reflétait déjà une répétition du partage du pouvoir entre le FNLA de Hólden Roberto, le MPLA d’António Agostinho Neto et l’UNITA de Jonas Savimbi.

Avec 12 ministres et neuf secrétaires d’État nommés dans des proportions égales, la transition a été dirigée par un collège présidentiel composé de trois membres nommés par les trois mouvements de libération comme premiers ministres. Johnny Eduardo Pinnock, pour le FNLA, Lopo Fortunato Ferreira do Nascimento, pour le MPLA, et José de Assunção Alberto Ndele, pour l’UNITA, étaient les membres de ce nouvel organe directeur, chargé d’exercer, par rotation mensuelle, la fonction de chef de gouvernement.

Engagements pris

En termes généraux, le gouvernement de transition était chargé, entre autres, d’administrer le pays en remplacement partiel et progressif de l’autorité coloniale, de préparer les élections générales pour une Assemblée constituante et de coopérer au processus de décolonisation jusqu’à l’indépendance totale. Il était donc chargé d’assurer le fonctionnement de l’administration publique, de conduire la politique étrangère, d’exercer la fonction législative et de réorganiser le système judiciaire.

La gestion de l’économie nationale et la garantie des droits et libertés individuels et collectifs faisaient également partie des compétences du gouvernement de transition, selon l’accord d’Alvor.

Selon ce texte, le pouvoir était exercé conjointement par le gouvernement de transition et l’État portugais, ce dernier par le biais d’un représentant désigné comme haut-commissaire, mais avec un engagement: celui de transférer progressivement aux organes de souveraineté angolais tous les pouvoirs qu’il détenait et exerçait en Angola.

L’Angola est aussi déclaré «entité unique et indivisible», avec le Cabinda comme «partie intégrante et inaliénable» de son territoire national. Un cessez-le-feu général était décrété, le recours à la force étant réservé aux cas dûment autorisés «pour prévenir la violence interne ou l’agression externe».

Tout semblait bien parti pour une transition pacifique du pouvoir entre le colonisateur et le colonisé, vers l’avènement d’une nouvelle nation souveraine et réconciliée, avec un leadership issu d’élections libres, équitables, démocratiques et transparentes.
Mais peu après, des signes inquiétants apparaissent en raison principalement de l’incapacité des parties angolaises à surmonter leurs différends de manière pacifique. Les réunions de ce gouvernement deviennent rapidement un «théâtre permanent» de violences verbales, voire physiques, entre les parties, qui entretiennent de profondes suspicions mutuelles héritées des années de lutte pour l’indépendance. L’intolérance politique finit par prévaloir, contrairement à l’apparente cordialité et à l’optimisme initiaux manifestés pendant ses négociations de paix.

Celle-ci précipite le retour des hostilités politico-militaires à un moment où le Portugal, qui détenait et exerçait toujours l’autorité coloniale, était impuissant à renverser la situation pour faire applique l’accord d’Alvor.

Les non-respects successifs de l’accord, aggravés par le boycott ou l’abandon des organes directeurs par leurs titulaires, contraignent le Portugal à suspendre finalement l’accord le 25 août 1975, après une nouvelle tentative ratée de réconciliation dans la ville kenyane de Nakuru le 21 juin 1975 .

À la fin de cette réunion, les parties reconnaissent que le manque de confiance mutuelle dû aux différences politico-idéologiques et à l’intolérance politique était l’une des principales causes de la détérioration de la situation politico-militaire dans le pays.

Ils s’engagent donc à créer un climat de tolérance politique et d’unité nationale, à mettre fin à la violence et à l’intimidation, à libérer tous les prisonniers, à accélérer la formation de l’armée nationale et à désarmer la population civile, entre autres actions, pour mener à bien les objectifs préconisés à Alvor.

Rupture définitive

Mais comme les engagements précédents, les accords de Nakuru sont très vite restés lettre morte, avec de forts désaccords entre les dirigeants des trois mouvements de libération, déjà sous les effets de la guerre froide entre les blocs socialiste et capitaliste.

La rupture définitive est déclarée. De violents affrontements s’ensuivent, qui aboutissent à trois proclamations unilatérales d’indépendance, respectivement à Luanda, Huambo et Ambriz.

Le MPLA proclame la République populaire d’Angola, basée à Luanda, l’UNITA la République sociale démocratique d’Angola, à Huambo, et le FNLA la République démocratique d’Angola, à Ambriz dans la province du Zaïre.

Quelques jours plus tard, ces deux derniers concluent un pacte le 23 novembre 1975, et fusionnent en un seul gouvernement de coalition pour la République démocratique populaire d’Angola.

Basé à Huambo, on trouve Holden Roberto et Jonas Savimbi comme co-présidents et José Ndele et Johnny Pinnock comme premiers ministres.

Mais finalement, l’indépendance proclamée à Luanda par António Agostinho Neto (MPLA) l’emporte, avec la protection de l’URSS et de Cuba, contre la volonté des deux autres mouvements soutenus alors par l’Occident.

On pense donc que, s’il avait été scrupuleusement respecté, l’accord d’Alvor avait tout pour offrir à l’Angola un cours différent. La transition susmentionnée, conçue comme un mécanisme préparatoire à la proclamation de l’Indépendance nationale, alors prévue pour le 11 novembre 1975, a fini par avoir un parcours trouble, contraire aux attentes des Angolais et des autorités coloniales portugaises.

 

Commémoration en grandes pompes

C’est au petit matin du 4 février 1961 qu’un groupe d’hommes et de femmes, armés de bâtons, de machettes et d’autres armes blanches, ont attaqué la maison de détention et la prison de São Paulo, à Luanda, afin de libérer les prisonniers politiques qui s’y trouvaient, menacés de mort.

Soixante-deux ans après, cette date est donc considéré comme un jalon important de la lutte africaine contre le colonialisme, car il a été décisif pour la libération de l’Angola et d’autres pays africains, notamment la Namibie et le Zimbabwe, ainsi que pour la fin de l’apartheid en Afrique du Sud, incarnée par une tradition de résistance à l’occupation issue des peuples ancestraux des régions angolaises de Kassanje, de Ndongo et des hauts plateaux centraux. A cette occasion, le président de la République d’Angola, João Manuel Gonçalves Lourenço a rappelé le nécessité d’œuvrer sur les voies du développement et de la promotion du bien commun, notamment en matière sociale, ainsi que de la promotion et de la protection des droits de l’homme, «objectif ultime de la liberté pour laquelle se sont battus les héros qui ont consacré le 4 février».