Rachat du Crédit Suisse par UBS : un coup de force institutionnel

Économie • Lors de sa conférence de presse du dimanche 19 mars – consacrée au rachat de Crédit Suisse (CS) par UBS –, le Conseil fédéral déclarait en toute sérénité qu'il avait déjà tout décidé mercredi, en grand secret, que la FINMA et la BNS avaient agi sous ses ordres - au mépris de la fameuse "indépendance" de la BNS -  et qu'ils avaient menti sur l'état de santé de CS pour ne pas provoquer de panique bancaire.

Lundi 23 mars midi, et l’action d’UBS a déjà chuté de 8,77%.

Le Conseil fédéral a utilisé des pouvoirs discrétionnaires, selon une procédure secrète, et a modifié le cadre légal conformément à des pouvoirs d’urgence, selon une base légale qu’il avait veillé à se donner il y a une année déjà en prévision d’une nouvelle crise financière. Ce pour diriger lui-même une fusion entre deux entreprises privées, et créer un super-monopole bancaire, une banque encore plus too big to fail. La question se pose de savoir comment il sera désormais possible de sauver la nouvelle UBS quand cette dernière se trouvera elle-même dans la tourmente.

La BNS met sur la table 200 milliards de francs pour cette transaction, soit plus du double du budget annuel de la Confédération, alors que l’UBS rachète CS pour 3 milliards seulement, un montant qui peut paraître dérisoire. En sus, la Confédération garantit cette transaction à hauteur de 9 milliards de francs soit plus de 10% du budget annuel. Cette décision a été prise quelques jours à peine après l’adoption de LPP21, qui annonce un nouveau démantèlement des retraites. Alors que l’argent semble toujours manquer à la Confédération quand il s’agit de sauvegarder des acquis sociaux, il coule à flots quand l’oligarchie financière en demande quelques jours plus tard à peine.

 

Une fusion qui ne résout rien

Cette fusion ne résoudra rien. Tous les participants et participantes à la conférence de presse du Conseil Fédéral de dimanche soir disaient la main sur le cœur qu’UBS est financièrement solide et fiable, que tout allait bien et qu’il n’y avait aucune raison de s’inquiéter…Le même discours que pour Crédit Suisse il y a une poignée de jours à peine. Or, on sait maintenant ce qu’il en est, et il est possible de soupçonner qu’ils aient menti de façon éhontée.

Des paroles qui ne méritent aucune confiance. Cette dernière a par ailleurs aussi manqué aux marchés financiers au lendemain de la fusion. Il n’est pas encore lundi midi à l’heure où nous écrivons ces lignes, et l’action d’UBS a déjà chuté de 8,77%, celle de CS de 63,7%. Et ce n’est pas tout. La contagion boursière se propage. Les valeurs bancaires plongent partout en Europe : BNP Paribas s’effondre de 8%, la Société générale de 7%, Deutsche Bank de 6%, etc. Les bourses asiatiques sont aussi en baisse. Sans parler de la contagion bancaire aux États-Unis. Alors qu’une nouvelle crise financière de grande ampleur semble démarrer, l’on peut douter de l’efficacité de l’opération de rachat organisée par le Conseil fédéral pour l’empêcher.

Le coup de force du Conseil fédéral aura certainement en revanche des conséquences institutionnelles durables. En temps de crise, on passe à un capitalisme monopoliste d’État régi par une gouvernance autoritaire, qui plus est selon une procédure secrète. Plus la crise empirera, plus le Conseil fédéral sera amené à agir de cette façon. Or, il n’existe aucune raison de lui faire confiance pour utiliser ses pouvoirs discrétionnaires au service du bien commun. Il n’y a rien de bon du tout à attendre de ce tournant

Alexander Eniline et la rédaction