Arab Strap, intense duo

Musique • Rares, les Ecossais d'Arab Strap ont livré un concert intime et dense à Genève.

Le chanteur et batteur Aidan Moffat et le multi-instrumentiste Malcolm Middleton en scène.(JDr)

Passés en groupe très électrique lors du Nox Orae de la Tour-de-Peilz en 2022, les Ecossais d’Arap Strap (Aidan Moffat et Malcolm Middleton) faisaient escale à Genève cette semaine en duo pour rejouer leur album Philophobia (1998), une perle rare comme pouvait l’être le Spiderland des Slint, parlant de la peur de l’amour ou de tomber amoureux. Pas spécialement reconnus pour leur tons très jouasses, arborant des chansons parées de paroles au réalisme cru et désenchanté, lessivées aux rincées de Falkirk, leur lieu d’origine entre Glasgow et Edimbourg, tout laissait à présager une soirée crépusculaire, voire pesante à l’Alhambra.

Au final, le concert a réussi à monter que l’intensité et la grandeur pouvaient se conjuguer avec le minimalisme d’une guitare, de quelques notes de mellotron, d’un clavier enregistré, d’une cymbale et d’une voix mi parlée mi-chantée. Le concert s’enlumine, s’écoulant entre ballades lentes (I would have liked me a lot last night, Soaps) aux climats parfois proches des Tindersticks ou Nick Cave et morceaux plus tendus. L’alchimie sonique se construit à partir des boucles de guitares et riffs minimaux rugueux de Middleton, qui peuvent à l’occasion devenir des griffures serpentines, tendues, perçantes, voir lacérantes, en campant d’entrée une ambiance, d’où émerge le phrasé caractéristique rond et caverneux de Moffat, sorte de Mark E Smith écossais, contant ses affres sentimentaux et sexuels. Une façon de faire comme une marque de fabrique: «Malcolm me donne des parties de guitare, puis je m’en occupe et je mets des boîtes à rythmes et des mots par-dessus», expliquait le chanteur à la revue Undertheradar.

Au fil des treize chansons de l’album proposées, comme l’impression de se balader dans des landes envoutées et envoutantes aux parfums subtils et entêtants, où percent mille détails. En va-t-il ainsi de The night before funeral, morceau étiré et sineux, qui commence comme une élégie funèbre et mélancolique pour finir en fracas électrique saturé dans le sillage de leurs compatriotes post-rock de Mogwai. Cahin-caha file la chanson One day, after school enmené par un rythme brinquebalant, percé de quelques coulures de guitares en échappées de petites pointes mélodiques.

Le concert s’achève sur des titres tirés de leur dernier album As Days Get Dark (2021), sorti après une pause de 16 ans, dont cette empoisonnée Fable du renard urbain (Fable of the urban fox), chanson en progression roulante et cavalcadante, dénonçant le racisme contre les migrants: «Il n’y a pas de repos, quelle que soit la distance que nous parcourons. Quelque part sur cette terre, nous trouverons notre maison». Comme une lueur d’espoir.

https://www.youtube.com/watch?v=TU9oJdInC84