Le crack au-delà du problème de sécurité publique

Suisse • Le Groupement romand d’études des addictions (GREA) présentait ses recommandations pour une approche globale d’accompagnement des personnes consommatrices de crack.

drug trafficking, crime, addiction and sale concept - close up of addict with money buying dose from dealer on street La consommation de crack s'étend dans les villes suisses. (Syda Productions)

Un des enjeux avec des stimulants comme le crack, c’est qu’il a un effet plus court, avec un danger de compulsivité beaucoup plus important. Les personnes ne vont plus dormir, manger ou boire, induisant un danger pour la santé et plus d’agressivité. Comme cette substance se consomme en petites doses à 10 francs, les consommateurs vont passer leur journée à acheter et à vendre, augmentant le nombre d’interactions et de prises de tête. Il existe aussi un effet de regroupement. Autour du Quai 9 (espace d’accueil et de consommation à moindres risques près de la gare de Genève, ndlr), on peut avoir 50-60 personnes qui gravitent autour du lieu. Il suffit alors d’une personne fragile psychiquement pour tendre l’ambiance, ce qui peut amener de l’agitation et susciter l’inquiétude de la population », explique Thomas Herquel, directeur de l’association Première Ligne, qui gère le site, qui propose depuis février un SleepIn d’hébergement de nuit.

Ainsi 3’400 épisodes de consommation de crack en 2019 contre 17’066 en 2022 ont été constatés selon un rapport de mai 2023 d’Addiction Suisse. « On trouve dans notre ville les mêmes dynamiques de consommation. A Lausanne, on a peut-être plus d’injecteurs de cocaïne. Ce qui fait qu’une personne, qui fera 20 injections en une nuit dans les toilettes publiques, laissera 20 seringues le matin. En plus des lieux de consommation sûrs, il est donc nécessaire de pouvoir offrir des espaces d’accueil et de repos, pour se sustenter ou dormir », corrobore Matthieu Rouèche, directeur de la Fondation ABS, qui supervise le Passage, centre à bas-seuil d’accessibilité et l’Espace de consommation sécurisé (ECS) à la rue du Vallon, non loin du CHUV. L’ECS pourrait ouvrir une future antenne à la Riponne, dédiée à l’inhalation, à l’injection et au sniff.

Précarisation et disponibilité du produit

«La précarisation croissante de la population et en particulier des personnes vulnérables, la disponibilité et qualité sans précédent des drogues, la transformation du marché et des modes de consommation, ainsi que la péjoration de la santé mentale, ces facteurs, loin d’être isolés les uns des autres, s’influencent mutuellement , explique Camille Robert, co-secrétaire générale du GREA.

Face à ces causes multifactorielles et à la recrudescence de la consommation de drogue trop visible, qui agite plusieurs villes suisses, l’association tenait conférence de presse à Lausanne pour présenter tout un catalogue de recommandations. Outre des lieux d’accueil de jour et de nuit via une couverture horaire complète (24h/24), les propositions vont dans un sens plus social que policier. Rappelons que la Ville de Lausanne vient de mettre en place une Task force de 42 policiers sur le terrain, proposition questionnée par Ensemble à Gauche Lausanne (POP, solidaritéS, Indépendants), qui soulignait que l’exécutif communal avait lancé depuis 2018 un dispositif d’une vingtaine d’ilotiers chargés de réprimer le deal.

Pour les professionnels du secteur, il convient aussi de lutter contre la précarité des consommateurs et en faveur de leur insertion, en développant l’hébergement d’urgence, ce que l’on appelle le Housing First («le logement d’abord», soit avant le traitement) et l’insertion socio-professionnelle via du travail adapté (comme le ramassage de matériel) payé à la journée voir à l’heure. Ils demandent aussi de faciliter l’accès aux soins grâce à une offre d’accueil universelle. Le GREA souhaite aussi renforcer la collaboration interprofessionnelle, régionale et le travail en réseau (police, travail social, soins).

A Berne, le sujet inquiète aussi. Une conférence nationale est prévue, en réponse à une question du conseiller national Denis de la Reussille (PdT/NE) sur le thème.