Hanté comme David Eugene Edwards

Musique • Brut et abrupt, tendu et tellurique, l'ex leader du groupe étasunien 16 Horsepower et Wovenhand (encore d'actualité), David Eugene Edwards était de passage en duo à l'Usine de Genève pour la sortie de son premier album solo, Hyacinth.

David Eugen Edwards sur la scène de l'Usine de Genève. (JDr)

Dans un set d’une heure et demie, le Coloradien et petit fils de pasteur nazaréen nous a emmenés dans les labyrinthes de son folk hanté, de son Americana sombre et gothique aux confins des montagnes et déserts natals. A la guitare ou au banjo, soutenu par les frémissements électriques et électroniques – nouveauté dans le répertoire – pulvérisés par son acolyte du jour, l’homme aux trois décennies et demie de carrière a délivré quelques unes de ses dernières paraboles musicales de Christ écorché aux paroles sauvages, délivrées au rythme de sa voix hantée, si caractéristique.

Liturgie hétérodoxe aux accents des peuples indiens de son territoire, le concert sert peut-être chaque soir de chemin (de croix) vers la rédemption. Dans Weavers Beam (La poutre du charpentier), ce shaman primal en appelle aux divinités égyptiennes d’Anuket, de Serket et d’Heka ou yiddish de Mazzaroth (mot hébreu biblique trouvé dans le livre de Job faisant allusion aux constellations). Le tout délivré au son d’une guitare espagnolisante avec un arrière-fond de fumeroles soniques hantées.

Sur Seraph (Séraphin), même tons sépulcraux, lents et amples, pour évoquer un «serpentement dans le ciel», finissant sur un ultime «Be nothing there» (Il n’y a rien là). Paysages vides, contrées inhospitaliers et inhabitées peuplent aussi le titre Lionisis, s’ébrouant sur le fil d’une guitare sèche, soutenue par des hululements de flûtes comme autant de vents lacérants en formes de sortilèges.

Même cérémonial de sabbat noir sur Triptych (triptyque), mélopée hallucinée tout en tensions retenues et domestiquées autour d’un filet de sons sombres, suintants et bitumeux. Le tout pour un concert dense, ténébreux et d’outre-tombe percé par des fulgurances synthétiques.

Entre drone et Americana

«Hyacinth est un premier album solo idéal. C’est la quintessence de David Eugene Edwards. Les cliquetis, les scintillements et les pulsations oscillantes s’empilent en couches pour évoquer un autre monde, une atmosphère qui induit la transe. A certains moments, cela atteint presque une sorte de musique drone (genre musical minimaliste faisant essentiellement usage de sons répétitifs dans le sillage du groupe texan Earth, ndlr), mais drone Americana, utilisant des sons, notes et clusters maintenus ou répétés, bien qu’avec les lignes de guitares familières d’Edwards et sa voix incomparable», note à raison Cherd sur le site Angry metal guy.

Même si l’on peut préférer sa période en groupes (flanqué à l’époque de deux musiciens français, le bassiste Pascal Humbert et le batteur Jean-Yves Tola) aux temps de ses chansons aux fortes montées de sève rythmique comme American Wheeze ou Black Soul choir (sur l’album Hoarse de 16 Horsepower), force est de constater que David Eugene Edwards creuse encore le long sillon de sa singularité, celle d’un musicos habité et inspiré.

https://www.youtube.com/watch?v=kjubUlOhJ_Q&ab_channel=stefbloch

https://www.youtube.com/watch?v=THlgU-8dMYg&ab_channel=ErikJan