Vous vous mobilisez contre les méga-bassines de rétention d’eau en France. Quel est le souci ?
Pierre Maison En Haute-Savoie, les bassines servent surtout à produire de la neige artificielle comme à La Clusaz, mais le problème concerne particulièrement l’ouest de la France (Deux-Sèvres, Vendée). Des retenues énormes de plusieurs millions de mètres cubes d’eau sont remplies par pompage des nappes phréatiques et cours d’eau durant l’hiver pour être utilisés pendant l’été sans restriction. Cette privatisation de l’eau favorise une agriculture très intensive, industrielle, notamment destinée à l’irrigation du maïs, cultivé pour l’alimentation du bétail ou pour produire de l’énergie via des méthanisateurs. Nous pensons que la solution est de développer des cultures, qui nécessitent moins d’eau et de prioriser cette ressource pour la production alimentaire pour les humains. Nous voulons un moratoire sur les méga-bassines et qu’il y ait une concertation entre partenaires pour le partage de l’eau, certaines communes n’ayant plus d’eau potable pour la consommation pendant l’été.
Faites-vous un lien entre ce combat et les pratiques de spoliation par les multinationales des ressources naturelles dans le Sud ?
En France, les multinationales ne cultivent pas elles-mêmes le maïs, mais elles sont présentes derrière cette culture à travers les semenciers et l’exploitation agro-industrielle. Dans le Sud, la question de l’eau est encore plus primordiale. Des multinationales expulsent des paysans ou détournent l’eau pour favoriser les grandes cultures d’exportation comme l’avocat.
Mais cette menace n’est pas la seule. Au niveau européen, il existe un projet de remettre en selle les OGM de nouvelle génération soi-disant durables issus des multinationales et empêcher que les paysans puissent être libres de produire leurs semences et les échanger. Elles sont pourtant la solution par rapport aux changements climatiques, du fait qu’elles sont mieux adaptées aux terroirs locaux. En Europe, nous avons déjà perdu beaucoup de cette diversité. Il faut permettre l’échange de graines entre paysans. Dans le Sud, où la variété des semences reste énorme, le risque de perte du patrimoine est majeur. Le combat n’est pas le même, mais il va dans le même sens.
Quelle est la position des Etats européens dans ces négociations sur un traité contraignant pour les multinationales ?
L’Europe et la France veulent surtout un traité qui ne soit pas trop contraignant pour ne pas freiner le business de leurs multinationales nationales. Pourtant, si les mêmes contraintes de respect des droits humains et environnementaux étaient imposées à toutes les multinationales, chacune se retrouverait au même niveau par rapport à ces règles.
Avez-vous des difficultés avec les grands distributeurs ?
Dans ma région, j’ai la chance de produire du lait pour la production de fromage et nous livrons directement à une coopérative, mais l’année dernière nos organisations collectives ont dû se battre pour que des fromagers ne rejoignent pas la multinationale Lactalis après le rachat d’une première laiterie. Ce qui nous a permis de préserver notre modèle plus favorable aux producteurs. Le problème de la concentration des acheteurs est peut-être un peu moins fort que dans d’autres régions de France, mais il faut être vigilant pour conserver des petites coopératives. Du fait du manque de relève dans l’élevage, beaucoup de petites fermes doivent aussi s’agrandir et se robotiser. Le cahier des charges de la production (en matière de pâturage, d’alimentation du bétail, etc) pourrait changer. Pour nous, ce n’est pas à la production de s’adapter aux robots de traite.
Quels sont vos autres combats ?
Nous défendons l’élevage paysan, le maintien des prairies, mais aussi la souveraineté alimentaire, ce droit des peuples à définir leur alimentation et par qui elle est produite. Nous voulons aussi un traité contraignant sur les multinationales avec l’instauration d’un tribunal et non pas un simple devoir de diligence raisonnable des firmes comme défendu par les pays du Nord.