Pour une paix durable, l’occupation doit cesser

International • Les terribles événements récents en Palestine et en Israël s’inscrivent dans la lignée historique du conflit israélo-palestinien. Tandis que les gouvernements occidentaux apportent un soutien unilatéral à Israël, un massacre est en cours dans la bande de Gaza.

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Au 21e siècle, toute guerre est aussi une guerre de l’information et la distinction entre vérité et propagande n’est pas toujours aisée. Cela se constate une fois de plus depuis le 7 octobre dernier. Un narratif pro-israélien assimilant tout soutien au peuple palestinien à une apologie du terrorisme muselle le débat dans les pays occidentaux. Un débat pourtant cruellement nécessaire, si l’on veut qu’une paix durable soit enfin possible au Moyen-Orient. Cet article tente d’apporter un autre point de vue.

Le narratif médiatique et politique dominant dans les pays occidentaux présente les évènements actuels comme une guerre entre Israël et le Hamas. Cette approche est doublement fausse. D’une part, les attaques du 7 octobre n’ont pas été menées uniquement par le Hamas, mais par l’ensemble des organisations palestiniennes de résistance, comme le Front populaire de Libération de la Palestine, le Front Démocratique pour la Libération de la Palestine ou encore le Parti du Peuple Palestinien. D’autre part, les bombardements indiscriminés et le blocus criminel contre les habitants de la bande de Gaza démontrent qu’Israël n’est pas en guerre contre le seul Hamas, mais contre le peuple palestinien dans son ensemble.

Israël : légitime défense ?

Dans les discours médiatiques comme politiques, les bombardements d’Israël sur la bande de Gaza sont présentés comme une riposte légitime aux attaques du 7 octobre. Pourtant, la réalité est loin d’être aussi simple. Certes, ces attaques ont coûté la vie à de nombreux civils innocents, ce que qui est choquant à juste titre et ne saurait être justifié. Néanmoins, c’est bien davantage l’offensive de la résistance palestinienne qui doit être comprise comme une réponse –réponse à une colonisation inhumaine, meurtrière et humiliante qui dure depuis trop longtemps. Réponse aussi à la politique brutale du gouvernement de Netanyahou et de ses colons. Réponse enfin, à l’escalade récente de la violence de l’occupation de la part d’Israël, décrite de la manière suivante par Efraim Davidi, membre du comité central du Parti communiste israélien et cité dans l’Humanité : « Cela [les évènements du 7 octobre] s’est produit à la fin d’une semaine choquante au cours de laquelle les colons se sont déchaînés dans les territoires occupés sous les auspices de leur gouvernement, ont profané la mosquée al-Aqsa et ont perpétré un autre pogrom à Huwara. »

La démocratie contre le terrorisme ?

Le discours dominant dans nos pays nous présente ce conflit comme une guerre de la démocratie contre le terrorisme. Or, Israël, que ses amis occidentaux aiment présenter comme « la seule démocratie du Moyen-Orient », n’en est en réalité pas une. Il ne suffit pas d’organiser des élections pour être une démocratie. Aucun Etat fondé sur l’apartheid et la colonisation ne saurait être qualifié de démocratique.

La guerre d’Israël contre la Palestine n’est pas une guerre contre le terrorisme. Il s’agit de la guerre d’un occupant contre un occupé, d’un colon contre un colonisé. Au moment où nous écrivons ces lignes, plus de 5’000 Palestiniens de la bande de Gaza dont 2’000 enfants ont été tués par Israël. Le 13 octobre, Israël ordonnait l’évacuation d’une grande partie de la population de Gaza, soit plus d’un million de personnes, vers le Sud alors qu’une telle évacuation ne pouvait déboucher que sur une crise humanitaire épouvantable, pour reprendre les termes de Philippe Lazzarini, Commissaire général de l’UNRWA.

Il est évident que le but d’Israël est de susciter la panique parmi la population palestinienne pour créer une nouvelle « Nakba », c’est-à-dire un nouvel exode forcé massif, afin de prendre le contrôle total de la bande de Gaza. Au niveau interne, s’ajoute un objectif de maintien au pouvoir pour Netanyahou, qui compte sur un effet d’« union sacrée » suscité par la situation. Mais cette guerre se joue également dans un contexte régional plus large mettant en jeu le Liban, la Syrie et l’Iran, contexte qui mériterait un article consacré au seul sujet. Notons seulement que c’est dans la perspective d’un élargissement du conflit que les Etats-Unis ont déployé leur porte-avions USS Gerald R. Ford, le plus grand navire militaire du monde, à proximité.

Soutien occidental à Israël

Sans surprise, les gouvernements occidentaux ont tous exprimé leur soutien total à Israël, condamnant les attaques du 7 octobre, tout en se taisant à quelques exceptions près sur le massacre à Gaza, l’occupation et les nombreuses violations des droits de l’homme et du droit international commises quotidiennement par Israël. Accompagnant le parti pris des gouvernements, les médias hégémoniques mènent une véritable offensive idéologique pro-israélienne, véhiculant une image biaisée du conflit, polarisant le débat et assimilant toute critique à Israël à de l’antisémitisme ou à une apologie du terrorisme. Ils reprennent ainsi le message de l’armée israélienne : soit vous êtes avec Israël, soit vous êtes avec le terrorisme.

En Suisse, le Conseil fédéral a aussi apporté un soutien unilatéral à Israël. Le débat médiatique suisse est un peu plus équilibré que dans les pays voisins, même si la RTS a donné une couverture fortement biaisée et pro-israélienne des événements, ce qui est une honte pour un média de service public. Cependant, l’opinion publique romande reste fortement influencée par les médias français, où les journalistes déploient une véritable propagande de guerre, reprenant sans les vérifier les informations provenant de l’armée israélienne et créant un contexte de suspicion généralisée à l’encontre des musulmans.

Répression de la solidarité

Face à cette partialité politique et médiatique de l’Occident, les actions de solidarité avec le peuple palestinien sont essentielles pour rendre visible le massacre actuel, mais aussi l’injustice de l’occupation. Tandis que partout dans le monde, les manifestations pacifistes de soutien à la Palestine sont massives, plusieurs pays européens ont purement et simplement interdit ce genre d’évènements sous des prétextes sécuritaires ou politiques. Plusieurs cantons suisses, comme Zurich, Bâle et Berne, ont également choisi de réprimer la liberté d’expression en interdisant soit toutes les manifestations, soit celles concernant spécifiquement le conflit israélo-palestinien. Les universités de Zurich et de Bâle ont pris des mesures arbitraires pour faire taire les voix de solidarité avec le peuple palestinien parmi leur personnel et leurs étudiants. L’Université de Berne est allée jusqu’à licencier un professeur pour un simple tweet.

Cette répression des droits démocratiques est absolument inacceptable. La liberté d’expression doit être garantie. Il est par ailleurs urgent que la Confédération respecte les devoirs découlant de sa neutralité et cesse donc sa politique de soutien unilatéral à Israël et qu’elle condamne les violations du droit international de la part de l’Etat d’Israël. A court terme, une aide humanitaire à la hauteur des besoins de la population doit être fournie par la Suisse. A plus long terme, le Conseil fédéral doit s’engager, à l’aide de tous les moyens dont il dispose, pour la fin de l’occupation de la Palestine et pour une solution politique qui garantisse les droits du peuple palestinien à l’autodétermination et à la souveraineté. Seule la fin de l’occupation pourra mener à une paix durable et juste.