La crise climatique exige bien plus qu’un simple spectacle médiatique

Cop 28 • Les douze premiers jours de décembre peuvent avoir un impact significatif sur la lutte pour la préservation de la planète. Un nouveau sommet sur le climat est confronté à des défis de type « terre ou mort».

Dubaï devra déboucher sur ds résultats si l'on veut sauver la planète. (DR)

La Conférence des Nations Unies sur le changement climatique, qui a débuté le 30 novembre à Dubaï, aux Émirats arabes unis, se tiendra jusqu’au 12 décembre. Également appelée COP28 (Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques), cette rencontre au sommet réunira des milliers de participants – certaines sources parlent de plus de 70’000 – venus du monde entier. Par «parties», on entend ici les 197 pays ou entités souveraines qui ont adhéré à cette convention, en plus de l’Union européenne (UE).

Les activités sont multiples: sections officielles, multiples réunions de la société civile, ainsi que des réunions de représentants du monde financier. Un événement majeur qui, selon la volonté politique des grandes puissances, pourrait représenter une avancée dans la lutte contre le réchauffement climatique ou se réduire à un show médiatique aux dimensions planétaires.

L’objectif de la COP28, selon les Nations unies, est que le monde «fasse le point sur les progrès établis par l’Accord de Paris (traité sur le climat signé en 2015)» et élabore «le plan d’action pour réduire drastiquement les émissions afin de protéger les vies et les moyens de subsistance». (1) .

Selon les Nations unies, «la science est claire: pour maintenir un climat durable, la production de charbon, de pétrole et de gaz doit être réduite dès que possible, et la capacité des énergies renouvelables (éolienne, solaire, hydroélectrique et géothermique) doit être triplée d’ici à 2030. Parallèlement, il est nécessaire d’augmenter considérablement le financement de l’adaptation et l’investissement dans la résilience climatique.

Dans sa lettre aux pays signataires en vue de la COP28, la présidence a communiqué quatre priorités: accélérer la transition énergétique et réduire les émissions d’ici 2030; financer l’action climatique; placer la nature, les personnes, la vie et les moyens de subsistance au centre de l’action climatique; et enfin, veiller à ce que cet événement soit plus inclusif et intègre les acteurs les plus divers. (2)

Davantage de soutien pour les pays du Sud

Alors que la planète a connu cette année les 12 mois les plus chauds des 125’000 dernières années, les attentes de la communauté internationale sont énormes.

Delia Berner, experte climat à Alliance Sud (Alliance Sud), explique: «Un changement de cap rapide est nécessaire si l’on veut atteindre l’objectif de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement climatique à moins de 1,5°C».

L’alliance, qui regroupe les principales ONG suisses de coopération au développement, souligne que «les personnes les plus pauvres souffrent le plus pour chaque dixième de degré de réchauffement supplémentaire, alors qu’elles ont le moins contribué à la crise climatique». Pour Berner, le point de référence fondamental doit être «les besoins des plus pauvres dans le Sud».

Sept ans après l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris, les Etats réunis à Dubaï devront procéder à son «révision globale».

Pour Stefan Salzman, responsable du secteur climat de l’Action de Carême (l’une des ONG les plus engagées dans la coopération internationale), «le succès de la COP28 dépendra de cet examen». En d’autres termes, il dépendra de la décision des Etats d’accepter «la réalité décevante que les plans nationaux de lutte contre le changement climatique ne sont pas assez ambitieux pour atteindre les objectifs proposés». Selon Salzman, il est absolument nécessaire de parvenir à un consensus sur des propositions concrètes qui répondent aux lacunes actuelles en matière de respect de l’Accord de Paris.

Pour les ONG suisses (et leurs homologues internationales), la question urgente est celle de la transition énergétique et de son financement. Les investissements du secteur privé ne sont pas la panacée : à ce jour, ils sont bien inférieurs aux besoins des pays en développement. De plus, les financements privés pour la transition des pays les plus pauvres sont quasi inexistants.

Un rapport du PNUE dénonce un financement

Un rapport publié début novembre par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) souligne les insuffisances de financement nécessaires pour répondre aux impératifs du réchauffement climatiqu : «Les besoins de financement de l’adaptation (mesures à prendre pour réduire les impacts du changement climatique) dans les pays en développement sont 10 à 18 fois plus importants que les flux de financement public international.

Selon le PNUE, les coûts prévus de cette adaptation dans les pays en développement s’élèvent à environ 215 milliards de dollars par an au cours de la décennie actuelle. Malgré ces besoins, le financement public multilatéral et bilatéral de l’adaptation dans les pays en développement a diminué de 15%, tombant à un montant dérisoire de 21 milliards de dollars en 2021. Le PNUE estime que la planification et la mise en œuvre de l’adaptation semblent être au point mort, ce qui a des conséquences considérables en termes de pertes et de dommages, en particulier pour les pays les plus pauvres et les secteurs les plus vulnérables de la population mondiale.

Cet organisme des Nations unies spécialisée identifie sept moyens d’accroître le financement par le biais des dépenses nationales et des financements internationaux et du secteur privé. D’autres pistes incluent l’augmentation et l’adaptation du financement des petites et moyennes entreprises et la réforme de l’architecture financière mondiale.

Un nouveau fonds pour les pertes et dommages devra également s’orienter vers des mécanismes de financement plus innovants pour atteindre l’ampleur des investissements nécessaires. L’expression «pertes et dommages» fait référence à la compensation que devraient recevoir les pays en développement qui subissent de plein fouet l’impact de cette crise, dont ils ne sont pas responsables.(3)

Améliorer le climat tout en respectant les droits de l’homme

Du point de vue d’Amnesty International, «le triste bilan des Émirats arabes unis en matière de droits de l’homme constitue une menace pour la réussite du sommet. Bien que Dubaï se soit engagé à permettre à diverses voix d’être entendues» lors de la COP28, sa promesse «est inadéquate et sert à mettre en évidence le contexte normalement restrictif des EAU en matière de droits de l’homme et les limitations sévères que le pays impose aux droits et à la liberté d’expression et de réunion pacifique».

L’inquiétude de l’organisation concernant «la fermeture de l’espace civique et la possibilité d’espionnage et de surveillance numériques» pendant la COP28 est tangible: «[Cet événement] doit être un forum où le droit à la liberté d’expression et à la manifestation pacifique est respecté. Et où la société civile, les peuples autochtones et les communautés et groupes de première ligne affectés par le changement climatique peuvent participer ouvertement et sans crainte. Les citoyens émiratis et les personnes de toute autre nationalité doivent pouvoir critiquer librement les Etats, les entreprises et les politiques, y compris celles des Emirats arabes unis, afin de contribuer à l’élaboration des politiques sans intimidation».

En outre, comme le note Amnesty, le fait que les Émirats arabes unis soient l’un des dix plus grands Etats producteurs de pétrole au monde explique leur opposition à un abandon rapide des combustibles fossile : «Le secteur des combustibles fossiles génère d’énormes richesses pour un nombre relativement restreint d’entreprises et d’Etats, qui ont tout intérêt à bloquer une transition juste vers les énergies renouvelables et à réduire au silence ceux qui s’y opposent».

La COP28 sera en effet présidée par le sultan Al Jaber, PDG de l’ADNOC, la compagnie pétrolière et gazière nationale, toujours désireuse d’accroître sa production.

Amnesty a exhorté le sultan à démissionner de son poste chez ADNOC «car nous estimons qu’il existe un conflit d’intérêts évident qui menace le succès de la COP28 et qui est symptomatique de l’influence croissante que le lobby des combustibles fossiles a réussi à exercer sur les États et sur la COP».(4)

Maintenant ou jamais

Selon le magazine National Geographic, l’Antarctique perd 151 milliards de tonnes de glace par an, soit l’équivalent du poids de la roche qui compose le mont Everest, la plus haute montagne du monde. (5)

De plus, dans 70 ans à peine, les habitations de 200 millions de personnes se trouveront sous le niveau de la mer, irrémédiablement ensevelies par l’eau.

Selon les Nations unies, les déserts s’étendent de plus en plus rapidement en raison des sécheresses extrêmes. Chaque année, la Terre perd plus de 12 millions d’hectares, soit la quasi-totalité de la surface arable de l’Allemagne, à cause de la désertification, de la dégradation des sols et de la sécheresse.

Les incendies sont de plus en plus fréquents et dévastateurs. De l’Australie à la Californie, en passant par la Grèce, l’Espagne, le Portugal et l’Amazonie, pratiquement aucune région du monde n’est épargnée par ces incendies, qui sont de plus en plus longs et étendus. On estime que rien qu’entre 2018 et 2020, environ 120 000 kilomètres carrés de terres ont été dévastés par des incendies de forêt.

Un million d’espèces sont en danger de survie. Un nombre impressionnant d’habitants de la planète, dont 40% de tous les amphibiens connus (quelque 3’200 espèces), sont menacés par l’impact des excès humains. Le changement climatique, la pollution, la déforestation, la surpêche, le développement industriel et les espèces envahissantes menacent la biodiversité.

De simples radiographies d’un tableau dantesque, qui correspond à l’augmentation annuelle de la pauvreté et même de la faim de milliards de personnes dans le monde. Et qui contraste avec le négationnisme climatique des secteurs du pouvoir politique et économique sur les différents continents. L’humanité est menacée, la planète est endommagée. Le temps se raccourcit rapidement. C’est pourquoi, ces jours-ci, d’innombrables regards se tournent vers Dubaï, presque en désespoir de cause. Une nouvelle opportunité de redresser la marche planétaire qui menace la survie même des êtres vivants? Tout indique qu’il ne reste plus beaucoup d’options et de temps à perdre.

(1) https://www.un.org/es/climatechange/cop28
(2) https://www.cop28.com/en/letter-to-parties
(3) https://www.unep.org/resources/adaptation-gap-report-2023
(4) https://www.amnesty.org/es/latest/news/2023/11/global-cop28-climate-change-summit-essential-need-to-knows
(5)https://www.nationalgeographic.es/medio-ambiente/2021/10/datos-para-entender-la-realidad-del-cambio-climatico

 

Les compagnies pétrolières ont pignon sur rue

Selon El Diario.es, les compagnies pétrolières et gazières ont plus de 2 ’00 représentants inscrits en tant que délégués au Sommet sur le climat. Il s’agit d’un record historique. Les dirigeants d’Exxon, Darren Woods, de BP, Murray Auchinloss, d’Oxy, Vicki Hollub, et d’ENI, Claudio Descalzi, ont été accrédités pour la COP28 à Dubaï. Le fait que le Brésil ait annoncé, juste pendant le sommet, qu’il rejoignait l’Organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP) a également attiré l’attention. «Si l’on considère ce que nous voyons ici à Dubaï, le contexte de cette COP et l’importance de ces négociations, et si l’on sait qu’il faut en finir avec les combustibles fossiles, il y a un nombre record de lobbyistes pétroliers ici», explique Rachel Rose Jackson, porte-parole de Kick Big Polluters Out (KBPO) aux Emirats arabes unis. Et «les lobbyistes des énergies fossiles travaillent ouvertement, par l’intermédiaire des délégations nationales, contre les appels à la restriction de l’industrie», ajoute-t-elle.

De plus, les compagnies pétrolières n’investissent pratiquement pas dans les énergies renouvelables : 20 milliards de dollars en 2022, soit moins de 3% de leur budget d’investissement et 1% de l’ensemble des investissements mondiaux, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
JDr