Le 4 mars dernier, le Département de l’économie et de l’emploi genevois, la SUVA et les caisses AVS ont annoncé dans un communiqué de presse commun que – selon leurs estimations – le montant des cotisations impayées à Genève s’élève à plusieurs millions de francs pour la seule année 2020. Pour y faire face Delphine Bachmann, conseillère d’Etat en charge du DEE a proposé aux entreprises de signer une…Charte, leur rappelant leur obligations légales, mais également les risques et les sanctions encourus en cas de manquement (1). Une solution, qui a provoqué l’indignation des syndicats SIT, Unia et Syna. «Comment les autorités peuvent-elles, sérieusement, proposer la signature d’une charte à des patrons-voyous, alors qu’ils ont au fil des années érigés un véritable système mafieux pour échapper à leurs obligations légales? Alors qu’aujourd’hui, ils ne craignent déjà plus les sanctions pénales prévues par la loi?», se sont-ils étranglés.
Face aux faillites en cascades qui prolifèrent dans la construction, les trois syndicats ont décidé de proposer un pacte social aux patrons, fort de 14 mesures. Parmi les celles-ci figure celle de réinternaliser les travaux de ferraillage dans les entreprises principales. «Ce secteur est particulièrement gangréné par des pratiques mafieuses avec le record de 50 faillites en 5 ans», relèvent-ils. «A défaut, les entreprises de construction doivent revaloriser les prix de la pose de la ferraille, qui se sont littéralement effondrés ces dernières années en raison de la concurrence sauvage imposée sur le marché. Elles devraient aussi annoncer l’ouverture de tout chantier impliquant de la sous-traitance aux commissions paritaires concernées aux fins de contrôle en amont des conditions de travail des employés», propose le trio syndical, tout en demandant une régularisation des ferrailleurs, dont 80% serait sans statut légal.
Le pacte voudrait aussi que la brigade financière et le pôle d’investigation du Ministère public soient renforcés pour les affaires de délinquances financières, que les administrateurs ayant fait l’objet de faillite soient poursuivis sur leurs deniers personnels et que les fiduciaires qui organisent la fraude sociale avec des montages financiers frauduleux et le contournement des CCT soient poursuivies. Bref, un véritable nettoyage des écuries d’Augias, qui demande aussi des modifications au niveau fédéral.
Les syndicats voudraient par exemple modifier la loi sur le chômage, pour permettre le paiement des indemnités en cas d’insolvabilité lors d’un défaut de paiement de l’assurance perte gain maladie obligatoire par l’employeur. Ils voudraient aussi augmenter le capital social de départ pour la création d’une entreprise. Le capital resterait bloqué tant que la société existe, avec la possibilité de récupérer celui-ci pour payer les arriérés de salaires aux travailleurs. Pour finir, ils exigent de rendre obligatoire les poursuites pénales par l’AVS des employeurs et administrateurs qui ont fraudé l’AVS, que ce soit en ne versant pas les cotisations ou en les détournant. Somme toute, des exigences minimales pour mettre fin à la jungle de la sous-traitance, des faillite frauduleuses et des malversations aux assurances sociales.
(1) https://www.ge.ch/document/lutte-contre-travail-au-noir-rappel-obligations-aux-employeurs