Beat Jans sévit

Suisse • Avec Beat Jans, un socialiste est devenu ministre de la Justice. Ceux qui pensaient que la situation des migrants s'en trouverait améliorée se trompent. Jans annonce des durcissements qui ne sont guère critiqués par la gauche et jugés trop laxistes par la droite. (Par Dominic Iten, paru dans Vorwaerts.ch)

On constate régulièrement que la gauche se réjouit de l’arrivée d’un socialiste au gouvernement suisse. «Enfin, l’un d’entre nous prend en charge tel ou tel dossier, tout s’améliorera», feint-elle de croire. Pour certains conseillers fédéraux, il faut un certain temps avant que cela ne s’avère être une illusion naïve, mais pour Beat Jans, tout a été rapide. Dès son entrée en fonction, il a rappelé que l’intégration de forces de «gauche» au Conseil fédéral signifiait aussi que ces forces n’étaient plus si à gauche que cela. Cela fait à peine deux mois que Jans est à la tête du département de la justice, et il se profile déjà comme un homme d’action qui, libéré de son passé de gauche, prêt à en découdre contre l’immigration.

Des mots forts à Chiasso

Notre nouveau ministre de la Justice ne reste pas les bras croisés à regarder comment «des personnes qui n’ont aucune chance d’obtenir l’asile» déposent des demandes d’asile en Suisse et surchargent ainsi notre système d’asile. Non, Beat a retroussé ses manches, s’est rendu à Chiasso et a visité le centre fédéral d’asile pour annoncer des durcissements dans le système d’asile suisse: Le personnel du centre fédéral d’asile de Chiasso doit être augmenté et la collaboration avec la police renforcée. Au niveau national, Jans souhaite introduire des «procédures de 24 heures» afin de dissuader les demandeurs d’asile d’entrer en Suisse ou de les faire partir le plus rapidement possible.

Les demandes d’asile ne devraient plus pouvoir être déposées que pendant la semaine, car les structures d’asile seraient régulièrement utilisées comme hébergement temporaire pendant les week-ends. Un centre d’asile n’est finalement pas un centre d’hébergement d’urgence, a rappelé Beat Jans. Enfin, il veut agir de manière ciblée contre les délinquants. Toutes les mesures de droit pénal et de droit des étrangers «jusqu’à la détention administrative ou la détention en vue du refoulement» doivent être exploitées de manière optimale.

Réactions de la gauche et de la droite

Dès le début, La Weltwoche (hebdomadaire proche de l’UDC, ndlr) est restée méfiante: la question étant de savoir si le Beat pouvait vraiment tenir «ses promesses». Quelques semaines plus tard, elle a vu sa méfiance confirmée. A la mi-mars, le Conseil fédéral a accordé environ 255 millions de francs «de fonds supplémentaires – pour la gestion des demandes d’asile cette année». Le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) prévoit 33’000 demandeurs d’asile supplémentaires en 2024. A cela devraient s’ajouter environ 25’000 réfugiés de guerre supplémentaires en provenance d’Ukraine. «Mais tout l’exercice porte la signature du ministre de la Justice Beat Jans. Le « petit malin bâlois » a d’abord annoncé des mesures pour alléger la procédure d’asile, avant de demander encore plus d’argent (… )», écrit La Weltwoche.

Discussion au Parlement

Le chef du groupe parlementaire de l’UDC Thomas Aeschi est du même avis : «Au lieu de dépenser des millions pour des conteneurs d’asile, Jans devrait enfin sécuriser les frontières afin que des centaines de milliers de personnes ne continuent pas d’entrer illégalement dans le pays année après année», dénonce-t-il. La critique est prompte aussi à la NZZ (journal proche du PLR, ndlr). A la mi-mars, le Conseil des Etats a traité une série d’interventions en matière de politique d’asile, qui allaient toutes dans le sens d’un durcissement de la législation. Pour la NZZ, l’offensive d’accélération des rapatriements était insuffisante: «Les exigences sont restées un peu vagues».

De plus, c’est la faute de Jans si une modification de la loi demandée par le groupe PLR concernant les demandes d’asile en provenance de pays tiers «sûrs» a échoué. A l’avenir, ces demandes auraient dû être automatiquement rejetées. On voulait ainsi «empêcher les mouvements secondaires irréguliers», car «ce tourisme de l’asile» mine la crédibilité du «système d’asile déjà surmené». La NZZ flaire la trahison, Jans a «montré son vrai visage» lors du débat au Conseil des Etats et a fait «ce que la gauche fait toujours en matière de politique d’asile»: il a «personnalisé et émotionnalisé» le débat, en parlant de familles, d’enfants et de destins tragiques. Quel culot! Parler de personnes au lieu de chiffres et de clôtures.