«Une guerre judiciaire». C’est ainsi que ses soutiens comme l’association Revolution citoyenne à Genève appellent la manipulation judiciaire cautionnée par l’Etat équatorien contre l’ancien vice-président du pays, Jorge Glas. En charge du poste sous la présidence de gauche de Rafael Correa, l’homme du Buen vivir, il l’est aussi sous le mandat de Lenin Moreno (2017-2021), avec qui les tensions apparaissent vite. En 2017, visé par des accusations dans le cadre de l’affaire internationale Odebrecht (du nom d’une entreprise de BTP brésilienne active dans toute l’Amérique latine), il s’adresse au public dans une longue lettre par laquelle il clame son innocence, tout en critiquant durement le président Moreno et son virage conservateur et néo-libéral.
Le 13 décembre 2017, Jorge Glas est condamné à six ans de prison par la Cour suprême, puis en avril 2020, à huit autres pour «détournement de fonds» du temps de la mandature de Rafael Correa. La peine est assortie d’une interdiction d’exercer des fonctions publiques pendant 25 ans. Fait étrange: son avocat, Harrison Salcedo, est assassiné le 28 avril 2021 à Quito.
En janvier 2023, Jorge Glas a pu finalement bénéficier d’une détention à domicile. Le 22 décembre, il se rend alors à l’ambassade mexicaine et demande l’asile à ce pays, qui le lui accorde le 5 avril 2024. Le soir même la police équatorienne pénètre de force sans l’enceinte de l’ambassade, une intrusion qui a fait du bruit dans le monde entier. A la suite de cette violation de l’enceinte diplomatique, le Mexique – aujourd’hui représenté par la Suisse en Equateur- et le Nicaragua ont rompu leurs relations diplomatiques avec l’Etat du président Daniel Noboa, élu en novembre 2023. Transféré à nouveau en prison, Jorge Glas est hospitalisé le 9 avril après avoir refusé de s’alimenter. Sa situation sanitaire empire rapidement. Dans le même temps, l’Equateur a présenté…une plainte contre le Mexique devant la Cour internationale de justice (CIJ) pour violation «de ses obligations internationales», «en accordant illégalement l’asile politique à M. Glas et s’ingérant dans ses affaires intérieures».
Pression sur la Suisse
«En rentrant de force dans l’ambassade mexicaine et en séquestrant Jorge Glas, l’Equateur a violé des conventions internationales comme celle de Caracas et Vienne auxquelles il a souscrit», estime Monica Salazar Hidalgo, députée équatorienne de passage en Suisse pour évoquer l’affaire devant ses collègues helvétiques. «La Suisse, en tant que représentante des intérêts mexicains, pourrait oeuvrer à offrir un sauf-conduit à Jorge Glas pour qu’il se rende au Mexique. Elle le doit d’autant plus qu’elle héberge la majorité des organisations de défense des droits humains», suggère l’élue d’Alianza Pais, qui craint pour la vie de Jorge Glas.«En le visitant en prison, j’ai aussi pu constater qu’on le gavait de pilules comme l’Alprazolam, un anxiolytique qui peut induire au suicide», explique l’élue.
Elle considère que l’ancien vice-président est un prisonnier politique. Pour Monica Salazar Hidalgo, les raisons de cette persécution sont à chercher dans le calendrier politique. «Jorge Glas et Rafael Correa sont en tête de tous les sondages en tant que candidats pour les élections présidentielles de 2025. La manière de proscrire ton ennemi, aujourd’hui devenu héros national, est de le faire disparaître», conclut-elle.