Doñana, parc national menacé

Espagne • La surexploitation du parc de Doñana dans le sud de l'Espagne au centre des débats.

La mobilisation pour protéger le parc ne faiblit pas. (Salvemos Doñana)

Le Parc National de Doñana dans la province de Huelva, fort de 128’000 hectares et d’une riche faune d’ibis, hérons ou flamands roses dans la province de Huelva, bat de l’aile, du fait de l’irrigation des cultures agricoles avec des centaines de puits illégaux. Selon le WWF, les producteurs occupaient une superficie équivalente à 1’460 terrains de football de cultures de fraises sous plastique dans l’espace protégé. L’été dernier, la lagune permanente de Santa Olalla, la plus grande du parc, était à sec, situation encore aggravée par la sécheresse. Face à ces menaces, le Parlement andalou n’a pas trouvé mieux que de donner son feu vert mi-avril à un projet de loi présenté par le PP et Vox visant à étendre l’irrigation à Doñana. Et cela, malgré les menaces de l’UE d’infliger une amende à l’Espagne si l’irrigation est légalisée, l’opposition du gouvernement central, qui a annoncé recourir au Tribunal constitutionnel, et le rejet de la communauté scientifique et des écologistes.

Face aux nombreuses critiques et manifestations comme celle du 14 mai à Séville à l’appel de plateforme «Salvemos Doñana» (Sauvons Doñana), association créée en 2016 pour s’opposer à un projet de stockage de gaz naturel dans le sous-sol de la zone protégée, le gouvernement d’Andalousie (Junta) a suspendu l’examen de la loi jusqu’au 29 mai, après les élections municipales. Mais la menace plane toujours. Le 13 juin, le gouvernement de la province prévoyait des audiences concernant la loi sur la régularisation de l’irrigation illégale, avertit l’association Rebelion por el clima Huelva sur Twitter.

Richesses naturelles

«Doñana est la zone humide la plus importante d’Europe. Des centaines de milliers d’oiseaux dépendent de ses marais pour se reproduire, passer l’hiver ou se reposer pendant leur migration vers l’Afrique», explique le WWF, qui a lancé une pétition forte de 110’000 signatures pour »sauver le parc». «Au cours de toutes nos années de lutte, nous n’avons jamais connu un moment aussi dangereux pour l’avenir du parc. Cette amnistie pour les puits et les agriculteurs illégaux exercerait une pression insoutenable sur ce site du patrimoine mondial», avertit le texte.

Un avis partagé par Carlos Dávila, responsable de l’office technique de l’association Birdlife sur les ondes de la Rtve. «Doñana, c’est de l’eau. Si nous perdons l’eau, nous perdons toute la biodiversité qui lui est associée. La proposition de loi va à l’encontre des critères scientifiques, du gouvernement, de toutes les organisations internationales», charge-t-il. «L’exploitation actuelle de l’aquifère n’est pas durable. La quantité de ressources extraites est supérieure à la quantité de ressources régénérées annuellement par les précipitations, qui sont variables et décroissantes, de sorte que cette ressource naturelle est en train de s’épuiser», estime Eloy Revilla, directeur de la station biologique du parc dans les colonnes d’El Salto.

Tout en refusant l’amnistie, l’association Ecologistes en action en appel aussi à des mesures sociales et à «un modèle économique de solidarité collective». «Il est nécessaire de réaliser une étude socio-économique incluant les exploitations agricoles réelles de la région et les détails exhaustifs de chacune d’entre elles, afin de discriminer positivement les économies familiales qui peuplent la région. Il est temps de repenser Doñana, en récupérant la protection de l’environnement et, parallèlement, en améliorant la qualité de vie des habitants de la région», insiste l’association.