L’adoption internationale critiquée

Suisse • Un rapport récent de la Haute école zurichoise épingle la gestion lacunaire dans l'adoption internationale avant 2000.

(PH CC0 Public Domain)

Entre les années 1970 et 1999, autour de 15’000 enfants étrangers – dont 2’799 en provenance d’Inde et 2’122 de Colombie – ont été adoptés par des couples en Suisse.  Un rapport récent de la Haute école zurichoise spécialisée en sciences appliquées (ZHAW), qui s’est penché sur les cas en provenance de dix pays (Bangladesh, Brésil, Chili, Guatemala, Inde, Colombie, Corée, Liban, Pérou et Roumanie), montre que de nombreux cas d’irrégularités de procédure ont existé. Celles-ci allant de la falsification de documents à de fausses indications d’origine ou au recours à des intermédiaires peu scrupuleux. Face à ce constat basé sur des investigations auprès de l’ancien Office fédéral des étrangers (OFE), aujourd’hui Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM), le Conseil fédéral a chargé un groupe d’experts de lui proposer d’ici la fin 2024 une révision du droit de l’adoption internationale. Coordinatrice du Bureau d’aide à la recherche des origines (BARO), basé dans le Canton de Vaud, Sitara Chamot, nous parle des attentes de son association.

Avez-vous été surprise par ce rapport sur l’adoption internationale?

Sitara Chamot Non, ce rapport n’est pas une surprise pour les professionnels du domaine. Nous savions déjà que des possibles irrégularités avaient pu entacher les procédures d’adoption. Un premier rapport de 2020 concernant les adoptions d’enfants en provenance du Sri Lanka entre 1973 et 1997 démontrait que les autorités fédérales et cantonales n’avaient pas pris les mesures nécessaires, malgré des indices préalables et clairs d’irrégularités commises par les intermédiaires en Suisse ou dans les pays d’origine. A l’époque, il y avait une conviction dominante occidentale, selon laquelle les enfants adoptés seraient mieux lotis en Suisse que dans leur pays d’origine. Les autorités donnaient davantage de poids aux besoins des couples désireux d’adopter qu’aux intérêts des enfants adoptés. Cette revendication d’un droit à l’enfant a provoqué des problèmes. Aujourd’hui, il est aussi plus facile d’imaginer une famille sans enfant.

Le rapport se penche sur la période d’avant 2000. Des améliorations des contrôles ont-elles été menées depuis?

Une prise de conscience en Suisse s’est fait suite à une amélioration du cadre légal international. En 1989, la Convention relative aux droits de l’enfant, instaurant le respect de l’intérêt supérieur de celui-ci, a été approuvée au niveau international et ratifiée par la Suisse en 1997. Ce texte a été suivi par une Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, conclue à la Haye en 1993 et entrée en vigueur en Suisse en 2003. En 30 ans, les choses et procédures ont beaucoup évolué. On peut faire la parallèle avec les enfants placés, retirés de leurs familles et installés dans des fermes jusqu’aux années 80, du simple fait qu’ils étaient issus de familles monoparentales ou yéniches. Aujourd’hui, ce ne sont plus des motifs de placements. Il faut aussi noter qu’au fil du temps, la Suisse s’est dotée d’une autorité centrale fédérale, à côté des bureaux cantonaux comme l’Autorité centrale cantonale en matière d’adoption dans le canton de Vaud (ACC-VD).

Quel est le travail de votre association ? Comment aidez-vous les adultes adoptés qui vous contactent ?

Nous apportons une aide gratuite pour des démarches de recherche d’origines pour les adultes adoptés ayant eu des adoptions irrégulières ou régulières. Nous favorisons aussi une approche restaurative d’échanges sur les ressentis, les émotions, mais également les attentes et les répercussions sur les personnes concernées. Chaque parcours adoptif est singulier, ses répercussions psychiques ou émotionnelles impactent souvent tous les pans d’une vie, que ce soit au niveau professionnel, social ou relationnel. Renouer avec sa filiation biologique n’est pas la garantie d’une réussite psychique, cela peut apporter plus de questions que de réponses. De plus, les liens tissés dans sa famille d’adoption sont tout autant prépondérants.

Aujourd’hui, beaucoup de femmes recourent à des dons d’ovocytes anonymes à l’étranger pour avoir un enfant, du fait de son interdiction en Suisse. Problèmes en vue ?

Probablement que les autorités et les personnes concernées vont se retrouver confrontées à cette thématique du secret de l’origine, mais j’espère que l’on pourra tirer expériences et méthodes de ce que l’on a appris de l’adoption.